FAITS D’HIER. Accident, le créateur d’OSS117 se tue dans sa Jaguar 3,8L MK2.

Un auteur à succès qui roule trop vite dans un véhicule trop "top" provoque un léger dérapage, dans un virage et dans l'opinion.

- KELEREPUS, 26 avril 2021. À Luzarches, près de Chantilly, la RN-16 comporte quelques courbes. Dans sa Jaguar, Jean Bruce, auteur de romans d’espionnage rentre chez lui. Il n’est plus loin de Chantilly, et savoure sans le moindre doute les performances de son 6 cylindres en ligne, le XK dans sa dernière évolution en date, qui ira jusqu’à 4,2L dans la Jaguar E et la MK10. Mais la route est mouillée et qui plus est, constellée de gravillons. Dans l’une de ces courbes, la berline amorce soudain une terrible embardée, tourne sur elle-même et vient percuter un semi-remorque qui arrive en face. Le choc est d’une immense violence, comme le montrent les photos, de l’automobile, et surtout du camion. Dans ces documents, publiés dans le numéro de mai 1963 du magazine L’Automobile*. L’analyse y est complétée par des témoignages et des constats. Les pneus de la Jaguar étaient très usagés, au moins un étant complètement lisse. La vitesse de passage dans le début de la courbe fut estimée à au moins 150 km/h. Et de cet accident, le magazine tire une leçon encore novatrice à l’époque où les cylindrées grosses et rapides entraient dans le paysage routier : "pour rouler vite, il faut une bonne route, de bons freins, de bons pneus, de l’expérience et des réflexes". L'automobile autonome n'était pas encore à la porte des imaginations.

Les dégâts impressionnants subis par le poids lourd frappent les esprits, mais pas seulement. Car depuis quelques temps, automobiles rapides, accidents et ceux qui ne constituent pas encore la "jet-set" induisent une évolution de l'opinion qui mélange un peu grosses cylindrées et vie loin du peuple. En 1957, à bord de son Aston-Martin, Françoise Sagan était violemment sortie de la route. Celle qui venait de rencontrer la gloire avec son roman Bonjour Tristesse avait été désincarcérée au prix de longs efforts des équipes de secours, puis était ensuite restée longtemps entre la vie et la mort. Cette même année, Albert Camus est sacré Prix Nobel de Littérature. Il trouvera la mort à son tour trois ans plus tard dans la Favel Vega FV3B, luxueuse et surpuissante française qu'il ne conduisait pourtant pas. En 1960 aussi, Ali Khan, dans une Lancia Flaminia 2500 GT, se tue dans les rues de Suresnes. Avec l'accident de Jean Bruce, qui est au sommet d'une littérature bien plus populaire, les esprits se forgent des convictions. Qui sont donc ces vedettes qui vivent au-dessus des vitesses (encore non limitées) que la morale réprouve...? Serait-ce la rançon de réussites qui pétillent dans les yeux de ceux qui les atteignent et n'en oublient pas les symboles...? Jean Bruce faisait immatriculer ses autos avec le nombre 117...!

* Archives et collections de l'auteur