Les envies de savoir en matière photographique règnent sur le quotidien des profanes, des amateurs, des débutants, dont les ambitions sont souvent centrées sur la manipulation de leurs équipements.
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- KELEREPUS -
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- KELEREPUS, 24 avril 2024. "La photo", ça ne veut rien dire. Un peu comme "l'écriture". Les sens larges, trop larges, font s'estomper les vérités simples que dissimulent les mots. Mais en les nommant par leur diversité, non plus "la" mais "les photos", voilà qui devient plus intelligible. Tout comme "l'écriture" peut évoquer l'infinité de ce qui est couché sur du papier (poèmes, lettres d'amour, recettes de cuisine, courriers administratifs, articles de journaux, romans fleuves, modes d'emploi...), les photographies révèlent des envies ou des nécessités les plus variées, consistant à figer ce que voit l’œil. Cette comparaison entre écriture et prise de vue a -au moins- une finalité, démontrer que chercher à "seulement" savoir comment fonctionne un APN ressemble à l'apprentissage de la manipulation du porte-plume, ou du traitement de texte. L'image sublime ne sera pas seulement le résultat garanti de cette manipulation matériellement maîtrisée, pas plus que le roman palpitant ne naîtra que de la bonne domestication d'un Word parfait ou presque. Ajoutons que, comme les voitures de compétition, plus les appareils photographiques sont perfectionnés et performants, plus leur pilotage exige une réelle aptitude et une solide expérience. Pour qui débute (ou piaffe de repartir à zéro), le simple est... toujours moins compliqué, d'autant plus que ce n'est pas l'appareil qui fait la photo, mais le photographe.
Partant de ce long préambule, conquérir le savoir par le regard apparait tel un cheminement plus concret. Regarder des photographies ressemble à écouter assidûment et méthodiquement de la musique pour devenir mélomane (ou audiophile*), ou déguster avec les mêmes attentions des grands crus classés -avec modération-, afin de devenir de plus en plus œnologue. Immense avantage, regarder, c'est gratuit, ou si peu cher, quand visiter une exposition s'offre à tout quidam un tant soit peu curieux. Alors, comment faire...? N'attendez pas ici les explications longues et charpentées, ni les conseils (indispensables) de ceux qui accumulent avec beaucoup de talent des volumes d'informations à l'attention de praticiens ayant le faiblesse de se croire nuls... Après le premier regard, puis les suivants, y revenir une fois, puis d'autres, après de courtes escapades, n'est pas inutile. Se nourrir d'un peu de savoir nécessite toujours un temps de digestion. On démarre. D'abord par cette observation d'ensemble et attentive, sans éluder quelques questions (ressenti d'une ambiance, d'une atmosphère, vision claire, sombre, contrastée...). Puis viennent les investigations plus pointues. Y'a-t-il un sujet principal, plusieurs...? Un second plan, ou plusieurs...? Comment sont les lumières, les ombres, les couleurs, équilibrées, excessives, pimpantes, pas pimpantes.; les contrastes sont-ils doux, plus durs, existe-t-il des endroits sous-exposés, ou l'inverse...? Et les détails, sont-ils fins, pas si fins...? Les interrogations à propos de ce qui a conduit à la prise de vue commencent à surgir. A tout acte, il existe un alibi. Photo travaillée ou cliché "comme il est venu"...? On se croirait déjà dans une enquête de police, puisque la préméditation d'une image ciblée auparavant ou l'impulsion sous une vision soudaine deviennent des pistes à suivre. Le clicheur a-t-il visé du haut, du bas, de la hauteur des yeux, de sa taille...? Et vous, comment l'auriez-vous capturée, cette image...? Et hop...! Nous voilà sortis de l'appréciation si élémentaire de la photo, nette ou pas, donc bonne ou ratée, si chère et simpliste aux amateurs les plus profanes, mais hautement respectables... D'autant qu'une photo peut accueillir de l'imprévu, dans tous les recoins de sa réalité (et du cadrage saisi). Et que de l'image qu'ambitionne de faire celui qui active le déclic à celle que voit le banal spectateur, serait-il en train de se livrer à une analyse du genre ci-dessus évoqué, il peut y avoir un monde de différences. Une photo, c'est comme un gâteau. La personne qui l'a confectionné a mis dans sa recette tout ce qui lui laisse espérer une réussite sublimée. Tandis que ceux qui dégustent son gâteau en apprécient peut-être d'autres saveurs, ou retiennent quelques regrets... Pour des explorations visuelles constructives, mieux vaut les conduire avec méthode, un peu comme cette check-list qu'égrène tout commandant de bord avant le décollage. Et mieux vaut explorer en évitant tout jugement prématuré. Et bien sûr, observer ses propres prises de vues selon une méthodologie similaire est une suite stratégique logique.
* Le mélomane est le passionné par la musique. L'audiophile est l'amateur accompli et éclairé d'équipements de reproduction sonore, et il existe des individus relevant des deux catégories.