La puissante invasion dans le creux de l'oreille des accessoires pour percevoir de la musique a relégué loin dans des recoins perdus l'écoute physiologiquement réelle, génératrice de véritables plaisirs. Quel dommage...!
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- KELEREPUS -
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- KELEREPUS, 12 mars 2024. C'est la faute des smartphones...! Un peu rapide, cette accusation. Car la dérive d'une écoute devenue seulement auriculaire ne date pas de ce téléphone gonflé aux technicités numériques. Déjà, il y aura bientôt 50 ans, une firme japonaise osait faire se balader les gens avec des casques sur la tête. Depuis, la formule de l'écoute encore plus intime qu'individuelle a fait recette. Et le mobile téléphonique n'a pas eu à lutter contre de plus vigoureux stimulants pour que prolifère une manière hérétique de se faire plaisir musicalement. De la tendance naît la confusion. Sage précaution, élémentaire manière de se comporter envers les autres, l'accessoire, qu'il soit casque ou écouteur, a bien pour but de limiter à un seul utilisateur un contenu acoustiquement perceptible. Une évidence pour une conversation avec autrui, l'écoute de la dernière chanson d'un rappeur de Gruyère (Suisse), ou la bande son d'un film visionné dans un TGV. Le comportement en bon voisinage le soir tard, pour une écoute "plein pot" d'un concert de rock ou d'une fantastique symphonie, pour les résidents d'appartements pas trop bien isolés phoniquement, justifie cette retenue.
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Toutefois, l'écoute au casque ou sur écouteurs revient à priver le corps d'une quantité essentielle de perceptions terriblement sensuelles. Ce n'est rien de moins qu'une trahison musicale. Comprenons bien cette affirmation. Il n'est pas question de mettre en cause les qualités et performances des équipements évoqués. Certains sont même dignes des plus belles réalisations du domaine de la grande écoute. En revanche, c'est bien la méthode pour l'écoute qui, comme dans tout sacrifice, est en cause. En effet, un son, celui d'une musique, celui de la rue, celui du train, celui du quadriréacteur qui décolle, est reçu et ressenti par l'ensemble de l'organisme de l'auditeur, l'onde sonore non seulement se propageant, mais "agitant" aussi l'environnement. D'où la nécessité, pour une reproduction aussi proche que possible de la réalité, de disposer non seulement d'une diffusion dans un espace libre, mais aussi à l'aide d'un équipement capable de (re)produire des fréquences qui exigent, côté transducteurs (haut-parleurs), des caractéristiques dimensionnelles et directionnelles que n'ont pas la quasi totalité des enceintes dites "connectée", davantage orientées vers une domesticité connectée que vers une belle et bonne écoute. L'enceinte acoustique, de bonne qualité (évidemment) est en revanche uniquement faite pour ça. Encore faut-il pouvoir la découvrir, la voir, l'observer et surtout, l'entendre et même l'écouter. Alors que les autres formes d'écoute peuvent se comparer à admirer à bout de main des diapositives dans le rayon de lumière d'une fenêtre ou à déguster un grand cru avec une paille, il y a dans la véritable bonne écoute des points, sonnants et trébuchants, à reconquérir dans les rayons. A bon auditeur...