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L'administration, obéissante aux directives venues "d'en haut", n'a fait l'économie d'aucun zèle pour plonger les automobilistes dans un certain brouillard de la signalisation, en débaptisant ses nationales. Une initiative plus anti-démocratique qu'on l'imagine...
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- KELEREPUS -
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- KELEREPUS, 28 juin 2025. C'est parti. Dès ce week-end, le chemin des vacances s'offre à l'Hexagone. Il sera, comme de coutume depuis des décennies, largement parcouru par la route. Enfin, ce qu'il en reste. Ceux qui rêvent encore de cette Nationale 7, dite route des vacances, déchantent, c'est bien dommage pour Charles Trenet. Car de cette 7, il ne reste rien. Certes, les longs rubans goudronnés défilent toujours, mais de leur noble rang, ils se fondent désormais dans des matricules valant anonymat, ne servant finalement qu'aux services départementaux pour délimiter d'où et jusqu'où doit se renouveler le revêtement (par gravillonnage, dette abyssale oblige) et se fauchent les herbes folles des bas-côtés. D'abord "royales", puis "impériales", nos grandes voies de communication sont devenues "nationales" en 1830*, à l'heure pile où, bien avant l'automobile, commence à se développer le chemin de fer. Le maillage en voies terrestres, donc non ferrées, remonte à l'Empire romain, et son développement, sa modernisation et son entretien ont été poursuivis au fil des siècles. Les dites "Nationales", donc, émanent d'une classification des routes dans laquelle 14 furent initialement classées sous ce titre car reliant Paris aux grandes villes du pays. Ne nous berçons pas d'illusions, nombre des améliorations de ce tissu "routier" -parler de "chemins" serait plus conforme à la réalité profonde- furent conduites pour faciliter les déplacements de troupes militaires vers des lieux chauds ou à protéger... Le monde est ce qu'il est.
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Mais voilà. Quelqu'un, un jour, dans un bureau, probablement fort de sa garantie d'emploi, a pensé que pour économiser à l'Etat les frais d'entretien (à l'Etat, mais évidemment pas aux contribuables), l'astuce consisterait à affecter ces dépenses aux départements. Et hop...! L'économie façon pirouette est peut-être illusoire, car une gestion globale, de bout en bout, n'est pas forcément moins coûteuse et moins cohérente qu'une gestion à la découpe, chaque part d'1/95ème du pays, même si des spécificités locales peuvent aussi être mieux prises en mains. Par exemple, il ne neige pas autant sur la Côte Bleue que sur les itinéraires de la Tarentaise... Mais au fond, et toute affectation de budgets mise à part, quel rapport cela a-t-il avec des numéros inscrits sur des panneaux indicateurs et des bornes kilométriques...? Evidemment aucun. D'ailleurs, il y a déjà plus d'une décennie, au moins un acteur politique, Franck Marlin**, alors député d'une circonscription de l'Essonne, avait clairement exprimé ceci*: "Même si ces routes (les "ex-nationales. NDLR) sont moins utilisées qu'auparavant, elles restent pour certains automobilistes des itinéraires de déplacement national, et l'incohérence de la numérotation d'un département à l'autre peut être source d'erreur, voire d'accident. Ainsi, de nombreux touristes voyageant en France ne comprennent pas qu'ils ne puissent pas suivre un itinéraire à partir du numéro de route. D'autre part, certaines de celles-ci sont mythiques, telle la RN7 chantée par Charles Trenet. Que ces routes soient désormais entretenues par les départements ne semble pas justifier la modification de leur identification le plus souvent courte et bien mémorisée."
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Et pourtant, hormis la désorientation des personnes qui circulent, et qui n'affecte pas que la légendaire RN7, mais toutes nos nationales, la manœuvre administrative se traduit par un étrange et bien peu sympathique cloisonnement de la population itinérante. En effet, depuis l'après-guerre, et il faut le dire, à très petite cadence, l'Hexagone s'est doté d'un réseau d'autoroutes. Dont l'essentiel est à péage, qui plus est à travers des concessions d'exploitation à des entreprises privées. Donc, pour se rendre relativement vite d'un point à un autre, le choix est entre payer ("et pas qu'un peu...!" comme le dit un brave quidam dans une formulation sans faux semblant) ou se perdre dans le dédalle des anciennes nationales dégradées juridiquement. Il y a là, même involontaire sans doute, une ségrégation économique devenue une sélection qui ne peut se dissimuler, une autre facette de cette république des gueux déjà dénoncée dans d'autres dossiers, dont celui des indéfendables ZFE (pour l'heure anéanties, mais attention aux rechutes...). Certains imaginent encore que l'administration est au service de la population. Serait-ce l'exécrable contraire...?
À savoir : Dans l'Allemagne des années 1930, où l'automobile s'éveille promptement, sans toutefois adopter le rythme des Etats-Unis, commence à être édifié un réseau d'autoroutes, dont s'inspireront d'ailleurs les Américains. Mais il faut remarquer que, notamment pour éviter cette déclassification du déplacement routier au regard de celui utilisant la nouvelle voie rapide à chaussées séparée, les responsables d'outre-Rhin ont choisi d'y maintenir un accès gratuit. Pour réponde aux exigences de ce que certains qualifiaient, non sans un certain dédain, de "lobby" des industriels de l'automobile (teutonne bien sûr). Non, il ne s'agissait avant tout que d'éviter toute ségrégation dans les coûts pour les usagers, individus ou entreprises, transporteurs routiers inclus, et sans doute également de respecter ce qui est un domaine public, notion plus que galvaudée sur notre territoire.
* Des repères et citations que mentionnent Marie-Sophie Chabres et Jean-Paul Naddeo dans leur superbe "Eternelle Nationale au cœur de la France", paru chez Gründ (2010).
** Un élu qui depuis est confronté à quelques soucis judiciaires pour de présumées manoeuvres financières, ce qui n'a rien à voir avec le sujet traité, et n'invalide pas son avis sur les numéros des routes.
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