L'organisateur est d'une manière imparable pris entre le marteau et l'enclume, prisonnier non coupable d'une réalité économique et des conséquences de facteurs multiples.
- KELEREPUS, 28 août 2020. Rétromobile, ça marche…! Toutefois, ce superbe rendez-vous annuel tenu dans la capitale, qui fait figure (à très juste titre) d'événement majeur dans l'univers des automobiles de collection, n'échappe pas à des contraintes de fond que la situation très spéciale vécue en cette année 2020 (coronavirus) met soudain en lumière d'une manière inattendue. Dans un numéro récent de l'excellent mensuel Gazoline, est publiée une lettre ouverte du président du Triumph Club de France dans laquelle celui-ci pointe ce qui n'est autre que le coût des stands, très lourd à la Porte de Versailles, en particulier pour des associations. Pour les firmes exposantes, tous salons confondus aussi, qu'on se... rassure. Mais pour des Clubs et mouvements principalement financés par leurs adhérents, amateurs avant tout, comme pour de nombreuses PME vendant pièces détachées ou accessoires, dont les moyens économiques n'ont rien de commun avec ceux d'industriels présents dans de grands rendez-vous en ces mêmes lieux, il en va tout autrement. Dans cette lettre ouverte et dans la réponse de l'organisateur (Comexposium), un parallèle est fait avec un salon lyonnais, aussi dédié à l'auto ancienne et également très intéressant, mais moins inaccessible en coûts.
Ce point particulier illustre cependant en un simple résumé tout le problème de la capitale à l'égard des grands salons. Simplifions. Paris fait partie de ces quelques capitales mondiales où les prix de l'immobilier (commercial, résidentiel, etc.) et tous les coûts incidents se sont, au fil des décennies, envolés bien au-delà du raisonnable, sauf bien sûr pour les investisseurs. Alors qu'il devient de grande notoriété qu'à largement plus de 10 à 12.000 euros le mètre carré, se loger dans la capitale implique des investissements énormes pour n'accéder qu'à des surfaces quasi indigentes (comparées à celles de logements standards ailleurs). Les conséquences sont innombrables. Pour le public, c'est un repoussoir vers les banlieues, phénomène classique. Pour les professionnels, les conditions ne sont pas meilleures. Une quantité d'entreprises ont, doucement mais sûrement, pris la route des zones d'activité de la périphérie qui, en outre, offrent d'autres atouts précieux (proximité des aéroports, des autoroutes) et des possibilités d'évolution (plus commode de se situer sur une surface pertinente en fonction de l'activité, par exemple). Les surfaces dédiées aux expositions n'échappent pas à ces lourdes influences qui en entraînent d'autres, façon jeu de dominos.
Paradoxalement, Paris a aussi souffert depuis des décennies d'atouts exceptionnels. Il y a environ un quart de siècle (déjà), nous avions rencontré un maire-adjoint de la capitale*, en souhaitant attirer son attention sur le fait qu'en Europe, tous les grands salons de portée internationale se tenaient en Allemagne**. Seule, une exception confirmait cette règle avec le Salon de l'Automobile (dont les organisateurs ont cru en relever le statut en le rebaptisant Mondial de l'Automobile, et qui est à son tour dans une très épineuse phase d'incertitude). Mais l'élu parisien, accueillant et très à l'écoute, n'avait néanmoins jamais eu le moins du monde la perception de cet élément clé qui échappait à l'Hexagone en termes d'influence économique. Il réagit seulement en prenant le soin de faire allusion à de gros et puissants rendez-vous franco-français fort réussis (Salon de l'Agriculture, Batimat…), ainsi qu'à une flopée d'expositions également locales pour le vêtement, l'hôtellerie… Et surtout, soulignant le prestige touristique de Paris (renforcé par la puissante attraction acquise grâce à l'avènement à l'époque encore récent de Disneyland à Marne-la-Vallée) ville qui d'où, à ses yeux, découlait une conséquence bien concrète non dissimulée. La ville et sa région n'avaient nullement besoin de gros et grands salons internationaux pour remplir ses hôtels. Coup d'épée dans l'eau. (Qui a dit "petit bout de la lorgnette...?)
Rétromobile rencontre une situation méritant une grande attention, en dépit de son excellente fréquentation, que nous avons soulignée chaque année. Les coûts inhérents à la gestion des lieux d'exposition et aux organisateurs augmentent.*** Impossible de ne pas les répercuter. L'étau se resserre, ce qui n'est pas une bonne nouvelle pour la capitale. Car depuis quelques années, c'est le concept même des salons, à Paris comme ailleurs dans le monde, pour quelque activité que ce soit, qui se désagrège. Ceci sous l'impact d'une industrie devenue mondiale (on ne refera pas l'Histoire) et d'un éparpillement des messages comme des sommes investies dans des rendez-vous disséminés sans autre préoccupation que celle des organisateurs, et en total porte-à-faux avec les rythmes des firmes, de leurs stratégies chronologiques d'introductions de nouveaux produits. Hélas, ajoutons avec des pincettes que Viparis, gestionnaire des principaux grands sites d'exposition de la région parisienne est en position de monopole. Les effets d'une émulation concurrentielle ne sont pas à espérer. Dans ce tourbillon, la voiture ancienne (que les écrits de la récente Convention pour le Climat voient comme un mal à éliminer d'urgence, traduisant, outre un mépris pour les passions, une inculture crasse difficilement tolérable) a-t-elle voix au chapitre...? Poser un problème ne revient pas à le résoudre. Mais l'ignorer conduit inéluctablement à le laisser s'amplifier.
* Pour le magazine Vente, devenu en l'an 2000 DVSM (Distribution, Ventes et Services Magazine, qui se prolonge aujourd'hui par le blog cousin de KELEREPUS, www.dvsm.eu.)
** IFA à Berlin pour l'électronique grand public, Cebit à Hanovre pour les télécoms et la bureautique, Photokina à Cologne pour la photo et l'image, Gamescom à Cologne pour le jeu vidéo, Spielwarenmesse à Nuremberg pour le jouet et le modélisme, Domotechnica à Cologne, pour l'électroménager, etc. Certains de ces salon à l'époque grandioses ont sombré, d'autres se battent avec les mesures anti épidémie.
*** Les lieux d'exposition de Paris et sa région sont, pour les plus grands (Porte de Versailles, Paris Nord Villepinte, Le Bourget, Palais des Congrès, etc., une grosse dizaine en tout) détenus par Viparis, une alliance entre les chambres de commerce et de l'industrie et le groupe Unibail-Rodamco – rebaptisé Westfield depuis le rachat de ce dernier -, qui détient de grands centres commerciaux (Aéroville, Rosny 2, Carré Sénart, etc..). Certains ont souligné dans cette structure une absence de toute concurrence. Les organisateurs sont nombreux. Comexposium est l'un d'eux, organisateur de très nombreux salon à travers le monde, dont, pour Paris, entre autres, Rétromobile, le Salon de la Photo, etc…