La soif inextinguible d'un sympathique V6 ou d'un gros V8 peut-elle faire perdre le sourire des collectionneurs en dépit de l’enivrant ramage des gros cubes …? Prenons une calculette…
- KELEREPUS, 22 août 2020. Ce qui coûte le plus cher dans une automobile, c'est… l'automobile. Cette vérité toujours valide ne s'applique cependant qu'aux véhicules achetés neufs. Personne n'ignore que les premiers centimètres parcourus avec un "VN"* par son heureux acquéreur suffisent en faire fondre la valeur comme de la neige sous l'eau bouillante. Ainsi que le démontrerait tout mathématicien, moins un véhicule est acquis cher, moins son acquéreur perdra d'argent. C'est d'ailleurs ce qui explique que dans le nombre de véhicules achetés par les utilisateurs, environ 5 sur 6 le sont d'occasion. Les autres dépenses liées à la possession et l'utilisation d'une auto n'ont rien de négligeable. "Il fallait tout compter" nous confiait il y a déjà longtemps un fort sympathique confrère, journaliste et membre de la rédaction de l'Auto-Journal participant, il y a plus d'un demi-siècle, à l'élaboration des premiers dossiers déterminant le prix au kilomètre** de pratiquement toutes les automobiles disponibles sur le marché. Ainsi, le coût de l'assurance, du lieu de stationnement, de l'entretien participent à ce bilan incontournable. La consommation aussi et, coiffant le tout, la côte ou valeur, largement dominée par les barèmes d'une célèbre publication au titre, pour la circonstance, associée à un oiseau*** de malheur pour... toute tirelire.
Pour une ancienne, ces bases arithmétiques n'ont aucun sens. Même si celle-ci est acquise pour de l'utilisation quotidienne (ce qui élimine les frais de fonctionnement d'une moderne possédée parallèlement). En effet, clé de voûte de ce qui change tout, une auto de collection ne perdra globalement rien de sa valeur. Si la différence entre prix d'achat et prix de revente est nulle, cet élément majeur du coût de l'auto s'efface, d'autant plus qu'elle peut même être revendue après quelques années d'utilisation avec un petit bénéfice, si le modèle considéré est dans une bonne orientation en termes de cote (les anciennes dont la cote régresse sont extrêmement rares). L'assurance des anciennes est en général fort peu coûteuse, ce qui, cerise sur le carbu, permet pour le prix de la couverture d'une seule récente, d'en assurer une petite flotte. Avec à la clé un usage réparti sur plusieurs autos, ce qui estompe le rythme des frais d'entretien. A propos d'entretien, et éventuellement de pannes, bien des autos d'hier sont beaucoup plus simples à entretenir ou réparer (avec nuances, selon les modèles) que celles intégrant les "technologies" modernes et les usages dans les SAV de ce nouveau siècle.
Restent ces soifs, qui font dire à certains, aimant les comparaisons, que certains carburateurs fonctionnent comme des chasses d'eau, là aussi les conversations colportent des idées souvent très sur-légendisées. D'autant plus qu'aux vitesses réglementaires actuelles, les occasions de tomber dans des excès douloureux pour le portefeuille sont exceptionnelles. En outre, il est également trompeur de considérer une consommation selon une approche non comparative. Entre les 6 à 8 litres aux 100 Km d'une actuelle et les 12-13 d'une onctueuse déjà racée, le coût de la différence, rapproché de la décote inévitable de la moderne, fait disparaître toutes les angoisses qui pouvaient subsister. Mais quelques réalités ne pourront pas être effacées. Ainsi, rouler pour rien n'existe pas. Il reste aussi des différences entre une ancienne modeste et une qui l'est moins. Il est moins coûteux de se faire plaisir avec une Dauphine de 1963 qu'avec une Rolls du même millésime. Et rouler dans un confort inimitable associé à un cadre et un habitacle tous les deux de légende ne peut qu'avoir un certain prix. Lequel, tous les collectionneurs expérimentés le confirment, est très supportable, et l'est souvent bien plus que ce qu'imposent les récentes, "low cost" incluses.
* VN, véhicule neuf
** Base devenue par la suite le fondement des indemnités kilométriques pour les professionnels.
*** "Argus", nom, entre autres, d'un oiseau exotique, doté dit-on de grandes aptitudes d'observation, de la famille des "phasianidae".