Deux grandes familles scientifiques s'affrontent sur des développements extrêmes, ce qui rend passionnante l'avancée des techniques dédiées à l'image.
- KELEREPUS, 28 juillet 2020. Des laboratoires les plus performants aux utilisateurs consommateurs, le trajet entre optique et numérique est plus court qu'on ne l'imagine. L'effervescence qui s'observe n'est pas que théorique. Des marchés, donc de la valeur, des emplois, des usages sont au cœur de cette fièvre techno. La concurrence entre deux univers, celui de la photo et celui des équipements mobiles connectés (donc principalement les smartphones) domine dans les ébats, mais d'autres secteurs d'activité sont concernés, presque en embuscade : santé, industrie, bâtiment, aéronautique, armement… Le nœud de ces recherches se résume – si l'on peut dire – à une lutte entre l'optique, qui est peut-être à une frontière de ses possibilités, et l'électronique, pour laquelle le futur semble plus prometteur que jamais. En pratique, que signifient ces circonvolutions de langage…?
Clairement, les smartphones ont cannibalisé une part colossale de l'activité photo. Cette dernière, déjà lourdement impactée par la migration de l'argentique vers le numérique, désormais accomplie, a vu ses volumes de production divisés par 5 du fait de l'irruption des mobiles clicheurs, "selfieurs" et partageurs à outrance. Il n'y a encore que quelques saisons, le camp de la photo pouvait compter sur les limites physiques des sections photo-vidéo des téléphones mobiles. Petits capteurs, difficultés pour introduire des zooms optiques, face à des équivalences numériques aux piètres performances, la frontière restait bien définie. Ce qui n'est plus le cas.
D'ailleurs, l'univers photo n'a pas attendu d'être poussé dans ses derniers retranchements pour avoir recours aux atouts des électrons. Depuis plusieurs années, les performances des zooms numériques qui, traditionnellement, prolongent les focales des zooms optiques, offraient des qualités de plus en plus proches de celles des classiques "cailloux". Désormais, une nouvelle génération d'APN est en voie d'apparition chez les principaux fabricants, associant des grands capteurs (dits de "plein format", puisque de taille équivalente au film 24x36) et des ensembles de traitement d'image de très haute technologie. La page est définitivement tournée sur la première grande époque de l'image numérique. Il est même permis de s'interroger à propos de la durée de vie des formats intermédiaires, comme le 4/3.* Pour l'heure, ceux-ci permettant les meilleurs rapports prix-performances et d'excellents résultats. Mais face aux nouveaux et futurs "pleins formats", notamment hybrides (ou "sans miroir"), de cette nouvelle génération, qui ne vont pas manquer de se rapprocher des budgets d'amateurs, leur survie dans les gammes pourrait être à terme limitée.
Toutefois, dans le camp des smartphones, une effervescence de nature comparable est à son apogée. Moins en raison des évolutions du monde photo pur jus que par les effets d'une concurrence virulente entre firmes. Apple, Huawei, Samsung et quelques autres leaders se marquent à la culotte en matière photographique, combat qui ne va d'ailleurs pas manquer de prendre encore de l'ampleur avec l'arrivée de la 5G. Et dans cette lutte, l'électronique plus que l'optique est en première ligne, encombrement (notamment) oblige. Contraints de n'utiliser des capteurs dont la surface ne dépasse guère celle d'un ongle, ils se doivent de jongler avec les aptitudes les plus affinées des processeurs et logiciels de traitement des pixels. Avec une sorte d'atout dans leur manche. A la différence de l'optique, qui se heurte aux limites physiques des matériaux (difficile d'aller plus loin que ne le permettent les molécules et les atomes…!), l'électronique et l'informatique sont plutôt face à des perspectives de progrès encore plus vertigineuses que tout ce qui a été développé jusqu'à nos jours. De l'eau au moulin des ingénieurs et des scientifiques, sans oublier les passionnés, qui vont avoir des myriades d'exploits à découvrir et admirer, au cours des prochaines décennies. Mais avec une constante propre à les rassurer, quel que soit le niveau des équipements, faire de belles photos devra toujours s'appuyer sur la plus solide connaissance de ce que sont les images, et une incontournable (et sans cesse perfectible) aptitude à la créativité.
L'appareil photo conserve jusqu'à nouvel ordre un atout majeur lorsque pour
l'utilisateur, vient le moment de la visée.
Il reste que cette compétition optique contre électronique ne doit pas être confondue avec celle qui oppose les appareils photo numériques et les téléphones mobiles. Notamment parce que le combat se déroule avec des intensités comparables dans les deux domaines (les fabricants de smartphones ont une approche très active des capteurs et des optiques, par exemple en les multipliant). Et surtout parce qu'il n'y aura probablement jamais de fin du combat, l'association entre les deux restant in fine totalement inévitable, seul le rapport entre le rôle de l'un et de l'autre pouvant être l'objet de reconsidérations sans limite. Ainsi, comme dans de nombreux couples, on se chamaille afin de prendre l'ascendant sur un inséparable partenaire.
* Durée de vie industrielle, bien sûr. Pour un utilisateur, il n'y a aucun risque à posséder ou acquérir un tel APN par crainte d'une obsolescence qui n'arrivera pas. Les qualités et performances d'un équipement subsistent, quel que soient son âge et sa situation dans le commerce et les tendances.