Ce succès peut-être un peu oublié de Michalangelo Antonioni, sorti en 1966, a pour "vedette" le reflex et plus largement la photo, dans un décor en lui-même évocateur d'une Angleterre d'il y a un demi-siècle...
- KELEREPUS, décembre 2018. Alors que le reflex vit aujourd'hui et à l'évidence sa probable fin de règne, au moins un film, et qui plus est, pas un navet, est à voir ou à revoir par ceux qui aiment la photo, et ne rechignent pas sur quelques cerises sur un appétissant gâteau. Sorti au cœur des années 60, ce film aux multiples récompenses fait se dérouler une intrigue qui se... développe -le mot juste- au rythme de ce que révèlent les photos dont elles sont le fil conducteur. L'ensemble se situe, tant sur le plan prise de vue que labo, dans une ambiance photo typique de ces années où le reflex au format 24x36 avait encore du mal à être totalement admis par les professionnels, du fait de sa taille exiguë. Qui se souvient de cette réalité à propos de celui qui est aujourd'hui qualifié de "plein format", sorte de summum de l'ère numérique…?
Critiqué sur un plan technique, cet type d'appareil n'en est pas moins l'objet par lequel une génération nouvelle de photographes s'impose comme un modèle quasi sociétal inédit. C'est un métier qui fait envie, représentatif de l'aventure, armé d'un statut jeune, dynamique, baroudeur, qui tourne la page sur le preneur de vue derrière son appareil classique posé sur son incontournable trépied. Le reflex, qui magnifie ce que proposaient les 24x36 plus rudimentaires en termes de mobilité (côté Hexagone, la famille Foca, ce n'était déjà pas si mal) part à la découverte du monde, celui des villes, des campagnes, de la brousse, des déserts un peu comme le Nagra, magnétophone portable créé par un certain Kudelski l'avait fait pour le son, quelques années avant.
Cette apparition coïncide aussi avec l'émergence d'une presse magazines destinée à la photo, aux USA, et en Europe, laquelle constitue aussi une tendance bien dans son époque. Elle se fond dans une effervescente libération des mœurs et dès lors, ne fait plus l'impasse mais au contraire se nourrit aussi par les images de "charme" dont pas un exemplaire n'est dépourvu. Cette vague éditoriale est notamment concrétisée en France par des titres tels que Photo puis par Zoom...
Toutefois, Blow-up va un peu plus loin, en nous offrant une vision concrète et extrêmement juste de l'Angleterre (et par extension, de la Grande Bretagne) de cette même période, qui imprime son influence sur une grande partie du monde occidental. Avec ses groupes musicaux (Beatles, Rolling Stones, et compagnie), ses automobiles (de la Mini à la Jaguar E), ses radios pirates (Radio Caroline, Big L...), sa mode (Mary Quant, Cranaby Street à Londres), et tant de courants ascendants, prenant naissance dans un pays au décor vieillot, flirtant par endroits avec le sordide, ses petites rues et ses bâtiments en briques sombres salies par les ans, la noble Albion émancipe la planète.
Côté cerises, apparaissent dans Blow-up aussi un peu de moyen format, de l'agrandisseur aujourd'hui plutôt vintage, le groupe les Yardbirds, Jane Birkin très très jeune, une pimpante et sublime Rolls-Royce Corniche tout au long de l'histoire (et d'innombrables véhicules qui n'étaient pas encore de collection), on y entend la musique d'Herbie Hancock...