Quand le public attend et espère une concurrence sur le rail, c'est pour profiter d'une compétition faisant chuter les tarifs. Cette perspective confine au fantasme. Voici pourquoi...
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- KELEREPUS -
- KELEREPUS, 21 mai 2024. Un peu comme dans une attente à la Samuel Beckett, le trains pas cher est attendu. Ce Godot du ferroviaire occulte une réalité historique et éternelle pour ce moyen de transport, en particulier pour les voyageurs.: son coût et donc sa très hypothétique rentabilité. Un simple fait le rappelle, mais ignoré comme dans un déni collectif de bon aloi. En effet, il n'existe pas un seul secteur d'activité économique où, si la rentabilité est au rendez-vous, les compétiteurs ne se bousculent pas. C'est par exemple le cas de l'aérien. Sur des liaisons très fréquentées, comme en France de Paris à Nice, ou outre Atlantique, de San Francisco à Los Angeles, il faut des mesures un peu autoritaires pour éviter le trop plein de compétition sauvage*. Le coût élevé des liaisons sur le rail est une réalité historique. En France notamment, les anciennes sociétés (19ème, début du 20ème siècles) ont toutes été au bord du gouffre, voire au fond, obligeant l'Etat (et le contribuable) à éponger les déficits. C'est d'ailleurs sur cette réalité que dans les années 1930, a été créée la SNCF, dont on sait qu'elle est plombée depuis des lustres par une dette colossale. C'est le principe même de ce modèle qui explique le coût. Une ligne nécessite initialement des capitaux considérables pour sa création. Acquisition du foncier, travaux incluant le parcours avec à leur terme la pose des voies, de l'alimentation électrique, après l'édification des ponts, tunnels et autres ouvrages d'art, et même les gares, des investissements qui ne sont déjà pas à la portée de la première tirelire venue. Puis, arrive le coût du matériel et de son exploitation (pareil pour l'aérien), et l'entretien (ou maintenance) de l'ensemble. Et au-delà, le maintien en l'état même quand la fréquentation devient faible, voire infinitésimale. Si la concurrence vient sur le réseau national français, le "propriétaire" de celui-ci soit demande des droits de circulation assez faibles pour que les candidats s'estiment tentés par l'aventure, mais alors, ce propriétaire risque de gonfler ses dettes, soit il demande des droits lui assurant la rentabilité, mais les candidats s'évaporent. Tout simplement parce que le rail n'est pas seul, depuis que le 20ème siècle lui a propulsé dans son univers de mobilité l'automobile (moins chère notamment dès que lorsqu'un voyage se fait à plusieurs, parfois -à souvent- plus commode, en faisant du porte à porte ou destination de départ à destination d'arrivée...) et l'aéronef, qui n'a besoin pour ses lignes ni de foncier, ni de ponts, ni de tunnels, ni de viaducs, et qui, si une liaison est soudain plus assez fréquentée, n'impose rien d'autre que d'en arrêter l'exploitation (et de revendre les avions). Notons au passage que les subtilités entre financement national ou par les régions ou les départements revient au même pour Monsieur Tout le monde, les coûts et déficits étant finalement à la charge des contribuables. Il reste cette notion dite de "service public", essentielle sans doute, et qui justifie pleinement, si besoin est, l'usage d'un moyen cher, trop cher, mais utile à tous. Mais qui ne justifie pas forcément toutes les formules, surtout quand elles sont inévitablement lourdement déficitaires. Ainsi s'énonce la seule et fort simple mais véritable réponse à la question que nos confrères de Ouest-France posaient en Une d'un récent numéro.
* Voilà qui, par ricochet, impose un regard objectif sur une longue histoire, celle de l'avion qui fut longtemps considéré comme cher, voire de luxe, à l'époque des compagnies dites classiques. Réalité qui a été balayée par les opérateurs du "low cost", ayant désormais conquis une part écrasante des liaisons continentales (c'est moins vrai sur le long courrier) et présentant chaque année des exercices très profitables.