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Un demi-siècle après un début réel concrétisé par le choix d'un Président de la République, la grande vitesse à la française peut aussi bien être jugée comme un immense succès que comme un demi-échec. Un demi-siècle plus tard, juger devient si facile...!

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- KELEREPUS -

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- KELEREPUS, 2 avril 2024. A l'heure présente, en France, des trains circulent quotidiennement à plus de 200 km/h sur de 'importantes sections de voies "classiques". Alors, tout ça pour ça...? Il y a pile 50 ans, en mars 1974, Georges Pompidou avait pris la décision de lancer la création d'une ligne de chemin de fer à grande vitesse entre Paris et Lyon. Ceci dans une perspective, alors en pleine actualité, consistant à tenter de limiter le coût des transports par le biais de celui de l'énergie. Ce fut sans doute l'une des dernières initiatives prises par le successeur du Général de Gaulle à l'Élysée, qui devait décéder seulement quelques jours plus tard, le 2 avril de la même année. Le pays (comme l'Europe, l'Amérique et au-delà) était alors violemment impacté par une soudaine et violente crise pétrolière. Dans toute narration et observation a posteriori, il faut nécessairement situer les points de départ et étapes de certains projets d'ampleur. Pour le ferroviaire rapide comme pour beaucoup d'autres, il serait possible d'en choisir une multitude. Les études, les essais, les influences multiples ont parsemé cette histoire de mille et un moments pouvant chacun être pris pour le tournant décisif. Pourtant, sans une ligne, "sa" ligne, pas de TGV. C'est pourquoi, en ce début de printemps 1974, et alors que se commémore aujourd'hui le cinquantenaire de la disparition de ce Président, sa décision et ce moment peuvent assurément être considérés comme le point de départ réel de la grande vitesse façon hexagonale. Cette initiative, nécessaire pour constituer un fatidique point de non retour, fut aussi un aboutissement, puisque les éléments allant dans le sens de cette réalisation s'inscrivaient déjà dans un passé relatif. Et, clin d’œil d'une Histoire qui se vit avant d'être racontée, apparaît soudain dans ce scénario comme un pittoresque cadencement prolongé jusqu'à nos jours, qu'un auteur de fiction n'aurait pas osé imaginer. Départ pour l'Extrême Orient...!

Notre TGV pile dans le sillage d'une spectaculaire révélation de la métamorphose japonaise...? Sans aucun doute...! En 1964, furent organisés les Jeux Olympiques de Tokyo. Ce alors que ceux de Paris, version 2024, sont en dernière ligne droite de leur préparation, soit exactement 60 ans après que l'Empire du Soleil levant semblait s'affirmer aux yeux du monde, quel symbole...! En cette année 1964, est justement mise en service la liaison entre Tokyo et Osaka via Kyoto, ligne du premier "Shinkansen", baptisée Tokaïdo, (évoquant ainsi la région maritime parcourue, à l'est du pays). Cette réalisation fait partie des nombreuses facettes par lesquelles le Japon et son modernisme se découvrent soudain. En Europe, et en France en particulier, l'empire des samouraïs est encore et par erreur assez souvent confondu avec une Asie d'avant, laborieuse, traditionnelle, voire quasi féodale, sachant surtout copier à bas coûts des produits occidentaux. Pourtant, ses entreprises, jeunes comme Sony (créée en 1946 avec seulement 20 personnes, patrons et co-fondateurs inclus) et quelques autres, plus anciennes, sont déjà parties à la conquête de marchés porteurs, dont l'Amérique du Nord. Akio Morita, co-fondateur de ce même Sony, y a acheté des brevets sur des composants baptisés transistors dont les créateurs (américains) ne semblent pas encore trop savoir que faire. L'ingénieur Morita choisit de les utiliser pour faire fonctionner une gamme de récepteurs de radio portatifs qui, de Broadway à Melrose (New-York et Los Angeles) se vendent comme des petits pains. De son côté, le puissant groupe Toshiba a cédé en 1954 la firme JVC (Japan Victor Company, à l'origine branche nippone de la RCA-Victor) à Matsushita (Panasonic), déjà très active dans le domaine de l'enregistrement vidéo (et qui vendra un peu plus tard son VHS au monde entier). Une famille très implantée dans le textile et les outils mécaniques qui y sont associés (dont les machines à coudre), va se voir confiée, pour les Jeux Olympiques, la réalisation d'une imprimante destinée à imprimer vite et bien tous les résultats des épreuves. Cette machine est baptisée EP-100, ce qui, phonétiquement, se prononce... "Epson". Le Japon surgit, impressionne, nourrit des desseins. Son effervescence porte à ébullition les esprits, et dans le ferroviaire, ces trains qui circulent au quotidien à plus de 200 km/h ne peuvent pas ne pas titiller ceux des spécialistes français qui, dès 1955, avaient conquis, à 331 km/h sur la ligne droite des Landes, le record mondial de vitesse sur rail.

Depuis le premier matin du monde, la ligne droite, justement, reste le chemin le plus court entre deux points. Physique et géométrie dans l'espace s'unissent dans cette règle qui est hélas l'ennemie directes des circonvolutions destinées à contenter le plus grand nombre. On l'oublie parfois, le gain de temps entre Paris et Lyon grâce à la LGV n'est pas que le résultat de la grande vitesse. Dans son tracé classique, qui passe par Dijon, et par tant de villes moyennes ou presque, pas moins de 512 km sont à parcourir par la voie historique, celle du PLM. Mais 427 km, soit 85, sont gommés pour les convois empruntant la ligne TGV. Petite astuce des ingénieurs...? Bien plus que cela. Cette rectitude consiste à changer, peut-être sans en avoir totalement conscience, un mode séculaire de conception des trajets entre villes, villages et autres points économiquement vitaux du territoire. S'appuyant sur le tracé des sentiers et des chemins plus ou moins carrossables, des contournements destinés à effacer les pentes raides ou les obstacles (attelages ou portefaix n'avaient pas les moteurs autres que leurs muscles pour gravir raidillons, reliefs etc.), le maillage ferroviaire du pays est une toile d'araignée. Pour atteindre des temps de parcours significatifs et attractifs, comme ces deux heures entre Paris et Lyon, les détours coûteux en minutes viennent de prendre un profil d'ennemis.

Ce d'autant plus qu'un demi-siècle plus tard, des nouveaux venus se sont glissés dans le paysage. D'autres moyens de transport s'imposent, que l'on longtemps a pu considérer comme des concurrents du rail, alors qu'ils en sont les compléments. Déjà en forte croissance dans les années 70 (ce qui a amplifié les conséquences de la crise pétrolière) l'automobile s'est propulsée à des taux de possession extrêmement élevés dans les ménages, le multi-équipement étant lui-même très répandu. De son côté, dans les années 60-70, l'avion, mal aimé des radicaux verts et d'un certain public bien pensant, était encore assez modestement développé et considéré comme peu compétitif entre grandes villes. L'exemple des États Unis d'Amérique aurait pourtant dû inspirer une certaine réflexion de la part de nos décisionnaires. Car la voie aérienne y avait pris dès ces années-là une part prédominante dans ces liaisons entre zones urbaines, se substituant largement aux liaisons ferroviaires, et entraînant un puissant déclin du train sur les distances autres que courtes. Hélas, effet trompeur à la clé, le trafic aérien en France (et dans plusieurs pays européens) était encore aux mains de compagnies copieusement administrées et financées, proches des États, et toujours considérées, héritage de temps héroïques, comme des vitrines nationales. Il aura fallu attendre l'irruption des compagnies dites "à bas coûts" (low cost), mais en réalité des entreprises gérées simplement avec rigueur, pour que ce transport par la voie des airs soit sur notre sol comme aux US à la fois compétitif, équilibré et, surprise... même profitable.

Et voilà que le ciel s'assombrit à présent sous la dette et quelques autres facteurs, dont une évolution démographique préoccupante (qui semblait être surtout le dada de ce blog, mais devient un sujet national et même européen). Si les charges sociales, la santé, les retraites, des outils administratifs très mal dimensionnés et gérés sont à la source de ce souci économique majeur, une part importante de cette dette est aussi à imputer à des équipements devenus fort lourds à entretenir et rénover, alors qu'ils sont devenus parfois fort peu utilisés. C'est le cas de ces nombreuses lignes locales de chemin de fer, sous perfusion pour ne pas froisser les voyageurs peu nombreux qui les utilisent, et leurs élus. Il n'est plus aussi incorrect de s'interroger sur la pertinence de l'édification d'une LGV (souvent sollicitée par des élus -encore...!- qui ne cessent d'utiliser leur argument préféré.: "désenclavement"). Car celle-ci deviendra complémentaire, ou supplémentaire, à des lignes classiques déjà en place. D'où une division des flux de voyageurs, et une multiplication des frais d'exploitation et de maintenance. Et pourtant, des temps de parcours ont été très nettement améliorés, grâce à ces sections de plus en plus longues de lignes classiques mises à niveau pour supporter des vitesses très élevées, dépassant souvent 200 km/h. Nouveau...? Pas du tout. Bien avant que ne soit décidée cette ligne à grande vitesse évoquée plus haut, le Capitole, train du matin et du soir entre Paris et Toulouse, pratiquait ce 200.km/h, réalité en service régulier mise en service 1967...! La méthode n'aurait-elle pas mérité d'être plus largement adoptée, ne serait-ce que pour éviter des investissements très lourds (études des lignes, acquisition du foncier, création de la voie, des ouvrages d'art, des infrastructures d'alimentation, etc.) pour des éléments de réseaux qu'il va falloir entretenir durant des décennies, "quoi qu'il en coûte"...!)

Succès, semi-échec...? Cet angle de vue n'est pas loin de certains débats interminables et surtout sans objet, puisque ce qui est fait... est fait. Sur un registre négatif, une part du projet ne peut pas réellement être considéré comme une véritable réussite, puisque l'objectif d'exportation n'aura été que très modestement atteint. Si la grande vitesse sur rail est devenue une réalité dans de nombreux pays, les équipements acquis sont pour beaucoup de sources autres que celles venues de l'Hexagone. Mais, rétorqueront certains à juste titre, la quasi intégralité du matériel utilisé en France est d'origine française, ce qui a alimenté le marché de l'emploi dans d'excellentes proportions, et évité d'avoir recours à des importations massives. L'évolution concurrentielle du marché, sous l'impulsion européenne, fait que l'on voit de nouveaux matériels exploités par d'autres compagnies prendre positions le long de nos quais. Et ce sont rarement des rames "made in France". Et maintenant...? Peut-être qu'une certaine sagesse devrait s'imposer, pour concevoir des et réaliser des infrastructures à la fois durables, mais pouvant prendre en compte des évolutions qui, d'ici quelques décennies, n'auront pas manqué de se glisser dans le quotidien.

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Tag(s) : #- TRAIN, TRAINS..., #- MERITE REFLEXION, #- ACTUS
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