Si les appareils de prise de vue déterminent forcément le profil du photographe en action, ce dernier se place dans une attitude indissociable de l'air du temps et de ce que fut, au fil du temps, cet acte d'immobilisation de toute scène dans son époque.
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- KELEREPUS, 16 juillet 2023. Les photographes n'ont cessé d'être regardés, observés, parfois même photographiés. Avec l'évolution des équipements, leur attitude à souvent évolué. Il y a de l'être et du paraître dans ce domaine comme dans tant d'autres. La vision qu'en donne la publicité reproduite ci-dessus, puisée dans un numéro de L'Illustration de juillet 1890, peut sans doute plonger bien des amateurs et professionnels de la prise de vue dans une réflexion sans borne. Des "machines" célèbres auxquelles sont attribuées les initiatives pour des modes de visée du même esprit, apparues bien plus tard, brouillent les idées reçues. De fait, l'attitude le l'opérateur ressemble à un interminable ping-pong entre les conceptions des appareils et les attitudes qu'ils imposent. Mais ces éléments finalement assez matériels ne peuvent être dissociés des places et rôles que le fait de capturer des images a pris aux yeux de tous. Innovation immense, les débuts de la photo -qui se sont étalés sur de longues périodes- ont radicalement transformé mille et une facettes de l'appréhension et de l'observation du monde qui nous entoure. Avant elle, seuls les peintres, dessinateurs et portraitistes régnaient. Mais rien ne prouve que le visage de tel monarque, penseur ou philosophe, sur toile, est réellement fidèle à sa réalité physionomique. Quel bouleversement...! Ce seul pouvoir de traduire une réalité en un document fidèle a même fait du clicheur un personnage hautement observé, symbole d'une époque de grands progrès, centre d'une curiosité de la rue que l'on retrouve dans des quantités de photos datant de l'époque de 1900, un peu avant, un peu après.
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- Certains, dans leur ambition de réaliser un cliché parfait et si possible, sous un angle original, n'en font-ils pas un peu trop, juste dans l'espoir de se faire remarquer...?
Ainsi, les évolutions des attitudes se sont enchaînées, générées autant que provoquées par les initiatives des industries. Faire plus compact a fortement influencé l'utilisation du viseur. Un bon vieux Brownie Kodak se pilotait en observant un cadrage approximatif sur un écran dépoli de la taille d'un timbre poste. Même avec leurs soufflets, les appareils à viseurs "changeaient" si ce n'est la vie, au moins la vue. Mais parallèlement, le photographe, tantôt professionnel, tantôt amateur, a endossé des fonctions plus larges. Chargé durant des décennies d'alimenter en reproductions au minimum flatteuses les tourniquets de cartes postales, il est aussi devenu témoin d'événements allant des horreurs de la guerre aux phases immortelles des compétitions sportives, détective à la recherche d'indices dans des affaires chaudes, spectateur de la vie des célébrités. Le format reflex et le film 35mm ont amplifié ces rôles dans lesquels se sont projetés les profanes devenus amateurs éclairés. Sans oublier le côté artiste, du Rembrandt de la pellicule au peintre du dimanche maître des pixels. Le photographe n'est plus un simple utilisateur d'un objet technique. C'est un rouage de la société. En outre, la recherche de certains segments de marché n'a pas échappé à des initiatives des fabricants élargissant le périmètre des utilisateurs et de leurs attitudes. La clientèle féminine, par exemple, a ainsi permis à toute une génération de compacts sortant des noirs dessins du clichage classé sérieux. Compacts qui ne se manipulent pas comme des outils de spécialistes affichés.
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- Non, l'obsession de ne pas passer inaperçu n'est pas une constante chez le clicheur. Mais enfin, se laisser observer est rarement repoussé. Amateur ou spectacle à "mateurs"...
Avec le numérique, l'appareil s'est doté d'un élément considérable dans son influence : l'écran. Fini l'œil collé à l'œilleton, grimace au rendez-vous. La vue s'agrippe à bout de bras, excellent présage à l'irruption du smartphone. L'amateur, le vrai, qui n'hésitait pas à se doter d'un escabeau léger, a désormais sa perche. Tout en se laissant aller à un véritable plaisir solitaire, avec des comparses en possibles alibis, le selfie est devenu la mouture de l'ère numérique de l'auto-portrait. Si votre cousin s'offre un selfie avec Ed Sheeran ou Kylian Mbappé, aucun doute, le personnage central de l'image, pour lui, c'est lui, et personne d'autre. Bien davantage que la preuve d'une rencontre...