Petits trains et consoles de jeu sont des loisirs qui ont pris leur essor dans deux berceaux générationnels nourris de similitudes incontestables. Même si aujourd'hui, ces deux domaines se sont dilués dans des courants totalement différents.
- KELEREPUS -
- KELEREPUS, 25 avril 2023. C'est bien un terreau "socio-générationnel" comparable d'une époque à une autre qui a, en effet donné naissance à ces deux distractions devenues passions. Attention, les comparaisons ont leurs limites, et les époques leurs contextes propres. Pour le chemin de fer miniature, la phase d'essor évoquée ici n'est pas celle de la "nuit des temps" (du rail). En effet, dès son apparition, le chemin de fer avait été décliné dans le domaine du jouet, avec son prolongement logique vers le modèle réduit. Ce train miniature a toutefois connu une seconde et très vigoureuse jeunesse, naissance ou renaissance version baby-boom, dès les années 1950-1960. Non seulement parce que des techniques de fabrication (notamment la maîtrise des matières plastiques) ont rendu possibles des séries importantes à des coûts modérés, ayant servi de voies d'accès aux modèles métalliques, plus nobles, plus lourds, plus chers. Le "jeu" n'est jamais que la réplique d'une réalité. Nous y sommes très concrètement. Toutefois, l'élan du petit train s'est aussi particulièrement développé parce que le train, le vrai, en ce début d'après-guerre, est devenu un symbole des déplacements modernes, dont une fraction importante pour des raisons professionnelles. Les trains rapides, la traction électrique, autant de choses qui n'étaient finalement que le prolongement d'un passé déjà ancien, se sont fondus dans une croissance vigoureuse et un développement socio-économique généralisé. Les professionnels en déplacement, "cadres dynamiques" d'alors, auraient-ils eu la même envie d'offrir un train électrique à leurs fistons s'ils n'avaient pas eux-mêmes voyagé dans de confortables rames TEE* pour se rendre, par exemple, dans un siège européen...? C'est justement dans une osmose entre pères et fils, deux motivations convergentes, que se concrétisent les similitudes entre HO** et PlayStation, enfin, train et consoles.
Les élans du jeu vidéo apparaissent un quart de siècle plus tard. Après des balbutiements dans les salles de jeu (arcades) et le pionnier Atari, au cœur des années 1970, le concept de la console domestique prend corps. Les créations dans cette direction furent innombrables. Si la mémoire semble se figer sur quelques mémorables initiatives, dont celles de Nintendo, de Sega, et surtout de Sony et sa toujours célèbre PlayStation, des dizaines d'entreprises ont misé sur ce concept. C'est cependant bien l'arrivée de Sony avec sa PlayStation (1994-1995) qui donne une impulsion déterminante à un marché déjà bien amorcé. En France (notamment), les bambins jadis "HO-teurs" sont désormais de jeunes pères de famille. Et dans cette évolution entre générations, se renouvelle d'une manière spontanée l'osmose observée 25 ans (environ...) plus tôt. Le train électrique à son époque, et la console à la sienne, sont des joujoux devenus à la fois l'affaire des papas et des fils (pas les filles, on n'y peut rien). Un prescripteur, c'est bien, deux, c'est le graal. Le train des années 50-60 ne fut pas seulement vécu comme un moyen de transport pour les cols blancs, mais également le moyen utilisé pour aller en vacances, en particulier bien souvent chez des grands-parents restés provinciaux, alors que la France rurale avait commencé à se dépeupler, des cohortes de personnes migrant vers grandes villes et même la capitale pour y trouver des emplois. Le baby-boomer ne peut qu'assimiler le voyage ferroviaire à ce transport vers les congés, les bons moments, les souvenirs qui se forgent. Quand la console est à son tour devenue à la mode, les enfants du baby-boomer évoqué ci-dessus et qui est devenu adulte, allaient toujours dans la famille provinciale, mais désormais en voiture, ou en "UM" (enfants non accompagnés) sur les lignes d'Air Inter. De même, quand papa allait en 1960 au siège ou chez un client à Milan en empruntant les agréables rames du Cisalpin, son rejeton devenu à son tour actif se rend dans la belle métropole lombarde en Airbus.
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Aujourd'hui, les deux axes de loisirs ici évoqués ont suivi des voies bien différentes. La console est devenue un des innombrables loisirs numériques connectés, que se partagent populations masculines et féminines, jeunes, moins jeunes et même, désormais -le temps passe- papy-boomers. Faute d'une présence dans la vie courante aussi porteuse d'image que dans un certain passé, victime d'une uniformisation que symbolisent les dessins monotypés des rames TGV et les réservations style low-cost aériennes, la part du rêve fait du modélisme ferroviaire un loisirs surtout axé sur le passé, délaissé (bien trop probablement) des espaces du réel très grand public. Pire, selon nos constations lors de présentations de réseaux miniatures, les possibles motivés sont pris de quelques frayeurs, par la taille en apparence nécessaire pour tout réseau (on le met où), la complexité (le numérique n'éloigne-t-il pas plus qu'il ne rapproche.?) et le coût, plus dans le "tout ça pour ça" que dans une réelle pénurie des tirelires. La console n'est pas forcément dans un univers aussi porteur qu'on pourrait le croire. Victime de l'hyper connexion, elle est la proie facile du jeu occasionnel (casual) et de la commodité bon marché de voir et revoir des séries sur les plateformes de contenus. Entre avenir encore rassurant et éternité garantie, le fossé se creuse...
* Trans-Europe-Express - ** Le "HO", échelle la plus répandue, est la reproduction au 1/86 de la réalité. Les autres échelles, dont le N, et quelques autres s'inscriront dans le sillage de ce HO.