Même avant l'auto, se déplacer ou voyager n'a jamais été sans danger. Et mourir "chic" devient parfois presque un must, au mépris de ce qui est élémentaire en matière de sécurité.
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- KELEREPUS, 18 mars 2022. Le bilan qui, ci-dessus, sert de titre, plutôt sévère, pourrait presque être d'actualité. Pourtant, il a été établi il y a 70 ans...! En 1952, l'automobile, bien que circulant sur les routes de France (et d'autres pays) depuis déjà plusieurs décennies, est encore très peu répandue. Si elle commence à devenir "grand public", il lui reste un pas à franchir, celui du coût. Dans un Hexagone encore lourdement impacté par les dommages de la guerre 39-45, terminée il y a seulement 7 ans, se dénombraient quelque 2,6 millions véhicules automobiles, dont 1,7 million de voitures particulières, partageant la chaussée avec 900.000 utilitaires. Parallèlement, à cette époque, ce sont les "deux roues" qui circulent le plus. En effet, 1,3 million de motos complètent le parc motorisé, osant s'aventurer sur des pavés omniprésents, parfois glissants, même si déjà un peu de macadam a été mis en place. Et surtout, nombre de déplacements locaux ou presque sont assurés par un impressionnant parc de 14 millions de bicyclettes. Un parc bien évalué car ces petites reines sont alors ornées de leur "plaque", absolument obligatoire, signe de reconnaissance administrative et indissociable (la France, toujours la France...) de la modeste contribution fiscale qui l'accompagnait. Parc surveillé puisque, comme le rappelle la "Tactique du Gendarme" (chanson de Bourvil à écouter ici), pas de plaque sur un vélo se solde par une contravention, pas de discussion, exécution...! Il faut remarquer que cette présence colossale de la bicyclette (sans batterie) s'explique par le fait que les périphéries urbaines ne se sont pas encore développées. En revanche, dans les villes, cohabitent largement habitations et entreprises, avec à la clé des distances domicile- travail compatibles avec quelques minutes de pédalage.
James Dean se tue sur la route de Salinas en 1955.
Mourir en auto va alors devenir presque un indice de "nauto"riété" pour une jet-set qui n'existe pas encore, le jet lui-même n'existant pas encore (même si des avions à réaction volent déjà et que des projets avancent...). Un peu en précurseur malheureux d'une longue série, le célèbre Général Patton, Georges Smith Patton, le 21 décembre 1945 disparaît d'un manière aussi tragique que symbolique. A quatre jour d'un Noël qui ne pouvait qu'être sous le signe d'une bonne humeur légitime puisque prenait fin la guerre mondiale, il ne sera pas parmi les soldats morts à la guerre, mais succombant à ses blessures suite à la sortie de route de sa Cadillac. Dix ans après, 1955, le drame a changé de catégorie sociale. A bord de sa Porsche 550, James Dean s'explose sur la route de Salinas (Californie), ayant négligé le danger d'une vitesse plus que largement excessive. L'Amérique, c'est loin. En France, celle que certains baptisent la "James Dean" au féminin, Françoise Sagan, ne se tue pas. Mais en 1957, à plus de 160 km/h, à bord de son Aston-Martin, elle monopolise les médias suite à une sortie de route dans laquelle elle est grièvement blessée, et, comme cela se dirait de nos jours, avec un pronostic vital engagé. La littérature poursuivra la tendance. Albert Camus, Prix Nobel de littérature, qui n'est pas au volant de la Facel-Vega dans laquelle il a pris place en janvier 1960, perd malgré tout la vie dans un accident aux alentours de Champigny-sur-Yonne. Au mois de mai de la même année, c'est le prince Ali Khan, qui, dans les rues de Suresnes, se tue dans sa Lancia 2500GT Touring. Jean Bruce, l'auteur des romans dont le héros, OSS-117, fait entrer le lecteur dans l'atmosphère palpitante de l'espionnage en pleine guerre froide, prend le 27 mars 1963 un virage de la RN16 à une vitesse délirante. Estimée proche de 200 km/h, à Epinay Champlâtreux, il se trouve que pour ne rien arranger, les pneus de sa Jaguar MK2 3.8L sont dans un piteux état. Il perd la vie dans une embardée fatale.
Jean Bruce, créateur d'OSS 117, se tue dans sa Jaguar.
En ce millésime 1952, il est réaliste de parler de bilan franchement catastrophique, surtout s'il est comparé aux environ et "seulement" 3500 décès ("à 30 jours") comptabilisés en 2019 (les chiffres de 2020 et 2021 étant impactés par les mesures de confinement et donc moins significatifs), alors que le parc des automobiles et des utilitaires légers frise 40 millions de véhicules. En 1952, les personnes ayant perdu la vie par accident de la circulation furent 1900 automobilistes. A ces victimes de et "dans" l'auto, s'ajoutent 1200 piétons (dont 600 enfants), pas moins de 600 motocyclistes, et, total finalement assez modéré, 1100 cyclistes. La situation est alors préoccupante et ne peut rester sans réaction. "Comment stopper cette hécatombe" entonnent les gazettes. Tout en mettant en lumière la complexité des causes réelles de chaque accident. Les fautes de conduite, les excès de vitesse, l'observation défaillante des panneaux de signalisation se mélangent et déjà, prenant le pas sur les vraies mesures de sécurité, surgit le mot magique : "sanctions" au pluriel bien sûr...! Même si, quand même, les cartographies des zones accidentogènes suggèrent déjà une amélioration souhaitable du réseau. Sans oublier de mentionner les "présences intempestives de troupeaux sur la route" ou même les "charrettes perdant des betteraves", la combinaison betteraves sur pavés procurant une glisse largement comparable à celle d'un méchant verglas. Bref, on va sévir...! Un certain ver est déjà dans le fruit. Alors que chacun le sait, on ne parvient pas à un bon niveau de sécurité en ne se limitant qu'à des mesures répressives. La preuve, avec des routes mieux conçues, des autoroutes, des automobiles très sérieusement conçues pour éviter les blessures, des pneumatiques performants, des "coussins gonflables de sécurité", des ceintures, des ABS, et même de radars, les résultats sont clairement visible dans le rapport entre le nombre de véhicules en circulation et le bilan. CQFD...