Il n'y a pas si longtemps, à part en accompagnement d'une délicieuse soupe de poisson, la rouille n'était guère appréciée. La mode change, comme pour ces jeans, plus chics avec quelques trous industriellement effilochés...
- KELEREPUS, 10 septembre 2021. Après avoir grignoté les bas de caisses et quelques châssis, l'ennemi d'hier est-il devenu la cerise sur le gâteau d'aujourd'hui...? D'abord et avant tout, peut-être faut-il rappeler que dans un monde libre, chacun a bien le droit de se réjouir pour ce que d'autres n'apprécient pas, à condition seulement de ne le faire ni par provocation, ni en absence de sincérité. En feuilletant 40 années de magazines consacrés aux anciennes (on a les archives que l'on peut...), s'il y a bien un fil conducteur traversant les années, il se situe dans le terme "corrosion". Et dans les innombrables conclusions de presque tous les essais, comparatifs, prises en mains, ce facteur dégénératif des métaux est signalé, le plus souvent comme l'un des principaux pièges pour les collectionneurs. Ce point laisse aussi apparaître l'historique des stratégies de traitement anticorrosion, allant de... rien du tout à des procédés très élaborés, mis en œuvre par les industriels. La logique y perd parfois ses repères. Des véhicules pourtant supposés très immunisés restent des "rouillants" parmi les "rouillants" quand d'autres, qui n'avaient subi presque aucune thérapie préventive, échappent largement à l'épidémie. Ce qui n'est dû initialement qu'à un facteur unique, l'emploi de matériaux (tôles d'acier) de plus ou moins bonne qualité. "Acier, acier, ça ne veut rien dire", nous racontait il y a quelques années déjà un cadre retraité des aciéries françaises. "Il y a acier et acier, avec bien des nuances dans la composition, et même selon la provenance des minerais.", poursuit-il, évoquant dans une conclusion facile à reproduire ici, où se mélangent des minerais européens, et des mauritaniens, souvent utilisés dès les années 60, quand les premiers cités s'épuisaient. Et au delà, interviennent tous les facteurs extérieurs dont il n'est nul besoin de faire la liste. Relevons quand même que le grand retour des gravillons, méthode de réfection des routes pour les états économiquement faibles, n'est pas de nature à tempérer cette arthrose des belles autos. C'est un peu comme si, faute de pouvoir poursuivre économiquement l'utilisation de chaussettes fines et modernes, on en revenait aux raccommodages d'antan.
Mais la rouille évoquée ici est d'une nature différente. Elle ressemble parfois à une petite pirouette pour échapper à des travaux de peinture onéreux. Ce qu'elle n'est pas. Elle devient surtout un style qui, pour les puristes, fait passer tout véhicule du statut de collector à celui d'une sorte de tuning pervers. Elle peut aussi évoquer des découvertes de vieilles "caisses" retrouvées dans l'état, et que l'on ne tient pas à remettre comme à neuf. Laissons à chacun sa libre façon de considérer le résultat. Mais deux remarques nous semblent utiles. Tout d'abord, question de sécurité, il faut impérativement s'attacher à ce qu'une rouille "décor" ne fasse pas oublier une rouille structurelle (en principe ne pouvant plus franchir l'étape du contrôle technique. En principe...). Par ailleurs, la rareté de certains véhicules devrait sans doute imposer un comportement le plus sage possible de la part des collectionneurs les plus audacieux. Une sorte de mission de préservation de patrimoine. Tout en étant libre de ses choix, un collectionneur qui se serait offert la Joconde aurait-il la permission morale de lui ajouter quelques retouches à la peinture fluo...?