La musique est l'expression culturelle la plus ancienne de notre civilisation. Hélas, bien peu de place lui est attribuée dans le parcours scolaire des jeunes citoyens. Dommage aussi pour une vie économique plus active.
- KELEREPUS, 28 mars 2021. Omniprésente dans la vie courante comme dans les moments les plus forts, la musique se consomme en France sans qu'elle bénéficie du savoir élémentaire auquel auraient pourtant droit chaque individu. Il y a pour elle une défaillance colossale, comparé à la place faite à la littérature, par exemple. La trop modeste part des équipements de reproduction de qualité (hi-fi ou hi-res) est une des conséquences de cette insuffisance. Quant à la condition presque indigente des ventes d'instruments de musique au grand public, réalité de longue date vécue comme ordinaire et qui semble bien peu émouvoir, elle relève d'une inculture très spécifique à l'Hexagone, attribuable à l'évidence à ceux qui ont pour mission de bâtir les programmes. Si cette lourde lacune à la Française est intellectuellement regrettable, elle l'est encore davantage dans sa facette économique. "Les magasins d'instruments de musique ont fermé en nombre ces dernières années" constatait, il y a quelques semaines seulement un exploitant, désenchanté, finissant de vider définitivement, avant une ultime fermeture, le point de vente consacré à cette discipline. "A cause d'Internet" a-t-il diagnostiqué, sans grande conviction, comme beaucoup d'autres. Mais en réalité, c'est bien l'absence d'individus à qui l'on aurait mis le pied à l'étrier qui est la source initiale de ce constat désolant.
La musique est cependant on ne peut plus présente. Elle a nourri une industrie du disque et alimente un flux de spectacles, festivals et autres événements (quand les virus acceptent de nous ficher la paix) et fait "tourner" des plateformes d'écoute en flux continu (certains préfèrent dire "streaming", ça fait plus chic) d'une manière de plus en plus intense. Discothèques, mariages, défilés militaires, accompagnements de nos proches dans leurs dernières demeures, pas un instant ne se déroule sans elle. Malheureusement, plus le temps passe, plus elle tend à se diffuser sur de petites enceintes dont le seul mérite serait d'être connectées et de savoir répondre à la question "Quel temps fait-il aujourd'hui..." (Il existe pourtant des enceintes connectées stéréo de bonne qualité). Mais alors que bien des ménages s'offrent des réfrigérateurs américains made in Korea gros comme des camionnettes, des téléviseurs capables de restituer des milliards de pixels, les équipements acoustiques restent loin des motivations les plus fréquentes, et les petits synthés pour tous encore davantage. Gâchis...!
Savoir, c'est pouvoir. Même en termes de musique. La connaissance des œuvres, la connaissance des instruments, un peu de savoir sur les musiciens, les styles, et surtout une pratique changeraient sans doute bien des choses. Sans que cela soit limité au classique, genre tellement peu connu qu'il passe aux oreilles de qui veut l'entendre pour une punition. L'exemple du Japon est inévitable. Avec une présence musicale nourrie tout au long du parcours éducatif, la puissance industrielle historiquement reconnue de ce pays, tout comme sa position de figure de proue mondiale dans l'univers instrumental, amateurs et professionnels, n'est en rien due au hasard.
* A l'école primaire, sur les 24 heures d'enseignement hebdomadaires prévues par l'Education Nationale en France, 2 heures sont en théorie consacrées à des enseignements artistiques, soit 72 heures en durée annuelle. En clair, 3 jours sur 365 prévus pour dessin, musique... Un "défi" qui peut aussi laisser surgir quelques regrets pour l'image (au pays de Nicéphore Niépce, et sur l'un des territoires qui continue à posséder une activité cinématographique de premier plan). D'autant plus que selon nos informations, ces brèves sessions ne seraient pas toujours assurées intégralement.