Voilà un type qui est arrivé d’Angleterre en passant par la Suisse. Cela fait pile 60 ans, ce qui provoque une ruée sur les rétrospectives. Juste pour nous consoler d'un Rétromobile finalement annulé, osons une évocation sur un ton et avec vues dans un esprit inhabituel.
- KELEREPUS, 9 mars 2021. Pour s'y glisser, arthrose prohibée. Dans les embouteillages, si l'été est à l'heure, ça chauffe, parfois même, ça bout. Se risquer dans ses entrailles en vue d'un bricolage méticuleux permet de très vite mesurer l'opposition réussie à Coventry à toute accessibilité commode. Lavage nécessaire...? Ou pire, il pleut...? Attention, les ouïes du capot peuvent expédier une myriade de gouttes indélicates sur les deux cache-culbuteurs, imposant de suite une toilette intime pour que la vue reste présentable. Car, quand on possède un Type E, les rencontres prévues comme impromptues s'accompagnent irrémédiablement de cette question "j'peux voir le moteur, siou plait...". C'est parti en vue d'un petit voyage...? Attention, pas trop de bagages... Décidément, est-ce qu'on l'aime vraiment, ce joujou si réputé et tant admiré...?
Ceux qui souhaiteront voir la mécanique ne verront pas ça. Ouvert, ce bloc qui évoquerait presque la mécanique d'un autorail, et d'ampleur. La distribution (chaînes) est bien en vue. Attention, ça ne se confie qu'à des mains expertes...
Bon, en route. Contact. On appuie sur un bouton (certains "essuvés" dernier cru présentent ce détail comme une révolution de la techno...!) Et hop, on s'en va. C'est clair, "ça pousse"...! Plus que ça freine, d'ailleurs, en dépit des disques (dont 4 à l'arrière, en sortie de pont). Mieux vaut ne pas s'y prendre trop tard. Et puis... Et puis c'est à peu près tout pour ce volontairement négatif un brin provocateur. Ah !, si, encore ceci : pour ressortir, relire plus haut "pour s'y glisser", avec un hic complémentaire. On n'éprouve aucune envie de ressortir. Car une fois installé, c'est le paradis. A la différence de bien des pseudo-barquettes et autres gétés aux ramages prétentieux, les E sont de véritables havres de confort. L'assise est sublime. Si seulement on pouvait être aussi bien porté dans bon nombre de fauteuils aériens de business-class...! . La mécanique distille sa mélodie. Symphonie fantastique, envoûtante, jamais assourdissante. Certes, pour l'E comme pour tous les autres véhicules, les passages de ralentisseurs sont à proscrire. (Seules DS et SM permettent, paraît-il, à condition de les passer le plus vite possible, de les percevoir sans piquer une légitime colère). Et de surcroît, les autres soucis se sont envolés. La surchauffe a été oubliée, grâce à l'adjonction d'un ventilateur électrique placé contre le radiateur comme le saumon sur le toast. Même le passage à la pompe révèle des chiffres extrêmement raisonnables sauf cas de "pied dedans" à n'en plus finir, mais gare, radars et retour en train à la, clé. Parce que là où, sur d'autres supposées rapides, les ascensions arrivent à leur extrémité, ici, c'est là que ça commence...!
Passée par la Suisse...? Normal. Cette nouveauté britannique avait fait son entrée en scène au Salon de Genève en mars 1961. Et elle passe immédiatement en vedette dans de nombreuses chroniques, sous des commentaires qui ne laissent aucun doute aux lecteurs, c'est un grand moment. Qui devait, (Mister Virus, vous nous agacez...!) être la vedette de Rétromobile cette année, salon qui avait été reporté au début de l'été, mais dont l'annonce d'une annulation définitive pour cette année vient d'être diffusée.
Une Série 1, sinon rien. Bon, quelques synapses manifestant l'envie de souligner l'ombre d'un avis que nul n'est tenu de partager, il faut leur obéir. Comme souvent, c'est selon nous (expression à conserver tout au long de ce paragraphe comme la teneur dans le chant grégorien) la première version, cabriolet ou coupé, qui est la plus authentique. Toutefois, il y a eu une étape dans cette série première, en 1964. De 3,8 litres, la cylindrée est passée à 4,2 litres, effet très bénéfique côté couple. Et la boîte Moss des premiers temps, avec première non synchronisée, laisse la place à une boîte Jaguar permettant d'oublier définitivement cette trace du passé automobile. Par la suite, les impératifs commerciaux vont petit à petit émousser cette authenticité. Il faut dire qu'entre 6 et 7 Type E sur 10 partent pour les USA. L'habitacle est "optimisé" pour créer deux places de secours à l'arrière, comme si ce véhicule allait servir aux transports de troupes. Et l'esthétique évolue encore avec la Série 2 puis la 3, laquelle sera dotée d'un 12 cylindres de 5,3 litres dont le seul intérêt est d'amplifier la fierté du propriétaire, celle de la consommation pétrolière, mais pas réellement les performances. (Logiquement, c'est le Coupé Série 1 qui affichera les meilleures performances de toute la famille E -la forme des cabriolets ne permettant pas une vitesse de pointe aussi élevée, mais quand même pas mal décoiffante). La production prendra fin au milieu des années 70. Fin de vie, début de légende.