Par temps de contamination, l'embonpoint constitue un sévère et redoutable facteur de vulnérabilité. C'est vrai même pour des éléments encore jeunes. Mais pas suffisant…
KEKEREPUS, 10 mars 2021. "Les gros"... Il est bien sûr question des aéronefs et non des individus, même si d'étranges similitudes apparaissent. Car l'éprouvant épisode du virus, qui est loin d'être terminé, aura eu en partie raison de deux mastodontes du ciel, le Boeing 747 et l'A380, A pour Airbus, bien sûr. Pour le premier, c'est une fin de vie qui se trouve abrégée, pour le second, un épilogue prématuré pour une existence qui devenait chaque jour un peu plus riche de handicaps.
- Simulation, à lire un peu plus loin. Et à voir en images ... --
Dans le rétro... Juin 1969, tout près du seuil de la 25 du Bourget, la silhouette d'un nouveau venu attire les regards (dont celui de l'auteur de ces lignes). Le dernier né de Boeing a fait le déplacement, son premier du genre, afin de se laisser admirer par les visiteurs du Salon de l'Aéronautique et de l'Espace. Cette vision fugitive d'un bossu des airs résume l'orientation des transports aériens pour le demi-siècle à venir. Le futur s'avère alors comme favorable en priorité au plus grand nombre. Un demi-siècle plus tard, la perspective de l'aérien pour tous est devenue réalité. Mieux, elle se poursuit, mais avec de nouvelles attentes des utilisateurs, les voyageurs. S'ils sont de plus en plus nombreux à vouloir franchir continents et océans, ils ont aussi des envies (ou des contraintes, nombre de ces passagers étant en déplacements professionnels) qui s'éparpillent. Même pour des destinations très lointaines, ils souhaitent partir pour les uns le matin, pour d'autres à la mi-journée, ou encore en soirée, avec des vœux du même ordre pour leur arrivée à destination. Leur souci est de préserver le plus possible d'une journée, celle du départ, ou celle de l'arrivée. Ils ont aussi des souhaits encore plus "pointus", comme ceux qui, en France, pour de simples raisons de circulation et de facilité d'accès aux aéroports, préfèrent Orly ou Roissy, ou Lyon Saint-Exupéry, Marseille Provence, Nice Côte d'Azur...* Bref, un transporteur aérien a désormais pour impératif de ratisser large, en offrant plusieurs vols quotidiens, et des avions moins grands.
Ainsi, pour suivre cette tendance, le 747, progressivement, a cédé du terrain face à des modèles plus réduits et plus commodes en maintenance (2 moteurs plutôt que 4...). Le produit Boeing qui répond à cette tendance est le 777, qui a pris son vol en 1994, ajoutant un autre atout dans son jeu, deux moteurs au lieu de quatre, avec des rendements meilleurs, et beaucoup moins de maintenance. Et une capacité en sièges importante, mais inférieure à celle de l'historique "Jumbo"; car les voyageurs, outre des aéroports les plus accessibles possible, souhaitent aussi un choix d'horaires de départ (et d'arrivée) correspondant le mieux à leurs contraintes à destination.
Lorsque 11 ans plus tard, l'Airbus A380 décolle à son tour, tout a déjà bien changé dans le ciel. Si, en 2001 (photo) des transporteurs comme Virgin envisageaient de se doter éventuellement du gros oiseau toulousain, l'enthousiasme n'est rapidement plus le même. D'ailleurs, chez Airbus Industrie, le vent porteur avait été ressenti depuis longtemps, avec le long courrier bi-réacteur A-330, au succès incontestable chez les opérateurs, alors que son frère presque jumeau, A-340, avec 4 réacteurs, sera nettement moins diffusé. Mais voilà. Après de longues années d'hésitations sur un projet longtemps baptisé "XXX", le très gros de la famille européenne arrive après la bataille. Le 747 a eu au moins 30 à 35 ans d'une carrière très dense. Quand son concurrent du Vieux Continent déboule, la capacité encore supérieure à celle de l'aéronef du Pays de l'Oncle Tom n'est déjà plus un argument, et même presque un handicap. D'autant que chez l'avionneur de la côte ouest, le 787, Dreamliner, dans la classe des 200-250 places, jour un rôle admirablement complémentaire de celui du 777 (350 à 550 places environ), permettant au 747 de se rapprocher de la pré-retraite sans angoisser personne du côté de Seattle (région où il n'y a pas que Microsoft et Amazon au club des célébrités américaines non "silicon-valiennes"...!).
Pays du Golfe, un succès en trompe-l’œil... En arrivant tard, trop tard, le 380 s'offre malgré tout des débuts prometteurs. Grâce à des achats en masse des riches contrées qui, notamment, alimentent le monde en or noir. Les historiens auront pour mission de raconter comment d'aussi généreuses acquisitions ont pu surgir à pic pour éviter ce qui aurait ou devenir un désastre prématuré. Celui-ci s'est pourtant manifesté quand, bien avant que le coronavirus montre le bout de ses vilains crochets, avec un repli de plus en plus net des bons de réservation, jusqu'au moment où, de Toulouse, est arrivé laconiquement l'aveu. Il n'y avait plus une seule nouvelle commande. Le virus aura pour effet de précipiter une situation méritant deux qualifications, celle d'une fin de vie à peine écourtée pour l’Américain ponctuant une carrière exceptionnellement bien remplie, et celle déjà très dégradée d'un géant venu trop tard dans la bagarre. Pour les deux avions, c'est depuis un an la mise hors service qui a dominé, même chez les généreux acheteurs évoqués ci-dessus. La pandémie qui a précipité dans l'abîme le trafic aérien aura été le prétexte, probablement l'aubaine, permettant sans honte de se débarrasser de ces joujoux onéreux et encombrants. Le sens de l'histoire, dans laquelle les grains de sables jouent très souvent des rôles décisifs ...
* Un choix qui peut ressembler à un caprice, mais capable de s'avérer pertinent. Imaginez un producteur de nougat à Montélimar se rendant aux USA pour affaires. Lyon ou Marseille peuvent lui apparaître plus ou moins adéquats, si Genève n'offre pas un troisième option, toutes trois éliminant le sempiternel et fastidieux transit vers Roissy. Des préférences du même ordre s'observent dans de nombreuses métropoles de la planète.
- Et la simulation, dans tout ça...? Tous les habitués des Flightsim et autres loisirs avec manches et palonniers savent que des versions de ces deux mastodontes existent sous de multiples formes. Plus rares, mais ayant quand même donné lieu à des créations souvent spectaculaires, ils occupent aussi une place dans le monde de l'aéromodélisme. Cela titille votre appétit , allez donc voir ceci... Comme les aéronefs de la glorieuse époque de la "héros" postale, et à peu près tout ce qui a été inventé pour voler, et dans ces logiciels, ils ne sont pas près de disparaître.