La contradiction entre une industrie de l'automobile qui cherche à ne pas sombrer et la volonté de tuer l'auto se voit soudain poussée à ses extrémités les plus insupportables.
- KELEREPUS, 16 novembre 2020. Il faudra se souvenir de cette majorité par laquelle vient d'être validée, à l'Assemblée nationale, en fin de semaine, la taxation des véhicules par leur poids. Ce qui constitue pourtant un véritable retour à de très vieilles et suicidaires habitudes. Visant initialement les automobiles à partir de 1400 kg, cette fiscalité aurait ainsi concerné près de deux tiers des véhicules mis sur le marché. Impossible, ne serait-ce que politiquement. La leçon des gilets jaunes et de leur rôle dans l'amorçage d'une crise interminable semble en partie retenue. En repoussant le seuil à 1800 kg, moins de 3% des autos seront finalement taxables, naturellement dans le segment du très haut de gamme. "Bravo" s'exclameront sans doute les –nombreux- tenants du principe résumé par "faisons payer les riches", le plus stupide des aveuglements dans un pays dont l'une des meilleures spécialités exportatrices se positionne dans les créneaux du luxe. Hélas, de ce fait, nos industriels bien de chez nous, faute d'un marché intérieur autre qu'anémié, risquent fort de renoncer à s'aventurer sur ce segment qui leur manque cruellement depuis une éternité. Au Ministère de l'Ecologie, on parle d'une "mesure symbolique". L'industrie est une activité qui ne repose pas sur des symboles, mais sur les réalités d'une compétition de tous les instants.
Voilà qui rappelle de très anciens épisodes. Un peu d'histoire permet de mieux comprendre. En 1964, le Ministère des Finances avait refusé la prolongation du règlement judiciaire de la firme française Facel-Vega, mise à genoux par le désastre des moteurs qu'elle avait dû adopter pour équiper sa Facellia, tous défectueux*. Ce faisant, l'Etat, sans doute dans un souci bien peu réaliste au regard des réalités industrielles, entendait peut-être protéger ses marques nationales. Hélas, cette initiative a surtout mis hors course ces mêmes constructeurs (ou d'autres) sur le segment du haut de gamme. Un choix qui n'a fait que s'amplifier par la suite, notamment avec une fiscalité dissuasive sur les modèles les plus puissants. Le coup de grâce arrivant avec la super-vignette décidée sous l'impact des chocs pétroliers des années 70. Hélas, l'industrie automobile ne trouve sa meilleure rentabilité que dans le haut-de-gamme, avec lequel les concurrents allemands ont fait leurs choux gras.
Trois remarques peuvent être ajoutées. La première est du ressort de l'arithmétique. On mesure déjà le poids déterminant qu'apportera la limitation partielle à la protection de la planète cette contrainte appliquée à 3% maximum du parc français (sauf électrique et hybride). La seconde prend la forme d'une interrogation. En hauts lieux, prend-on les industriels pour des incapables techniquement, au point de ne pas être en mesure de faire repasser par quelques astuces à seulement 1799 kg des modèles un peu trop en surpoids fiscal…? Enfin, le poids des véhicules a grimpé depuis des années sous l'effet d'un accroissement des dispositifs liés à la sécurité. On leur doit bien plus qu'aux radars et aux points bêtement perdus la très substantielle baisse de la mortalité sur les routes (observée dans des proportions comparables dans de nombreux pays).
* La jeune firme française spécialisée dans le haut de gamme s'était vue interdire l'utilisation de moteurs d'importation, faute d'une mécanique française à la hauteur de ce que devait être le nouveau véhicule. Fournis par Pont-à-Mousson, tous les blocs imposés se révélèrent défectueux, obligeant Facel (Forges et Ateliers de Construction d'Eure-et-Loir) à un remplacement sous garantie pour tous les clients, opération qui avait siphonné ses ressources et provoqué sont dépôt de bilan. Ironie de ce triste épisode, il intervenait quelques saisons après le lancement de la "petite" Facel, qui fut ré-équipée avec des moteurs Volvo, qui donnèrent entière satisfaction, mais aussi dans les premières mises en pratique des dispositifs du marché commun européen. Lesquel auraient permis l'importation de moteurs étrangers, petit pied de nez. Du reste, c'est en 1964 que fut rendu le jugement et sa jurisprudence baptisée "Grundig-Consten", déboutant Max Grundig et son importateur en France (le coureur automobile Bernard Consten et ses deux frères) dans leur tentative d'enrayer des importations parallèles d'équipements Grundig.