Cette question pourrait donner lieu à mille et une explications, mais l'attente d'une vision simple et limpide doit aussi être satisfaite. La réponse est donc : oui, et non.
- KELEREPUS, 5 avril 2020. Il aurait été permis d'amorcer cette réponse par un appétissant ou rebutant… "tout dépend". De l'acheteur, de ce qu'il cherche, de ses envies, de l'appareil, et de l'établissement qui propose un choix dans un univers forcément plongé dans le monde de l'occasion, ainsi que celui de la collection. Il faut donc commencer par évacuer une vision fondamentale. Si la motivation d'un utilisateur est seulement de l'ordre de la qualité, mieux vaut l'orienter vers un numérique. L'époque où la photo numérisée ne pouvait pas rivaliser avec les meilleurs argentiques est révolue. Celle-ci a même dépassé les performances des plus élitistes couplages entre émulsions, optiques et mécaniques. Avec, en guise de petit supplément cruel pour les anciennes générations, la certitude que les équipements d'aujourd'hui évolueront encore dans le sens de nombreux progrès sensibles. Mais au-delà de ce constat, qui peut soulever quelques protestations de la part d'amateurs chevronnés de la technique chimique, une autre vérité s'impose, et qui ne simplifie pas les choses. Toutes les avancées en performances accomplies aujourd'hui n'effacent en rien les qualités conquises dans le passé. Un excellent appareil d'il y a 20, 30 ou 40 ans reste aujourd'hui encore un excellent appareil. Pareil pour ses accessoires, dont bien sûr les optiques.
Nous voici donc à la frontière de deux mondes, une frontière qui n'est pas sans rappeler cette qui sépare le monde de l'automobile d'aujourd'hui et celui des anciennes. Les deux industries ont d'ailleurs suivi des cheminements comparables. Dans un véhicule de 2020, confort, silence, sobriété et dotations usuelles désormais (direction assistée, climatisation, aides à la conduite allant du GPS aux maintiens de trajectoires…) donnent à l'utilisateur et à ses passagers des conditions de déplacement incomparables avec ce qui était excellent il y a quelques décennies. Côté charme, le tableau est moins flatteur et, au coeur de KELEREPUS, nous savons mieux que quiconque pourquoi et comment des amateurs peuvent préférer tout ce qui constitue l'ensemble des plaisirs des berlines, coupés et cabriolets d'un âge certain. Ceci même pour des utilisations quotidiennes.
En photo, l'appareil argentique dans sa condition "d'objet" surpasse pratiquement toujours ses descendants modernes. Et le manipuler est en soi une expérience dont on ne se défait pas forcément. Alors, l'argentique pour qui veut éventuellement faire autre chose qu'une image excellente dans les conditions du présent, oui sans réserve, ou presque. D'abord, il faut faire une croix sur tous les traitements post-prises de vues, Photoshop et compagnie, sauf si une numérisation avec un scanner à la hauteur devient systématique. Ensuite, la possibilité de s'offrir des appareils de prestige suppose, en argentique comme en numérique, d'être capable de les exploiter. Il y a une quarantaine d'années, dans ses publicités pour son reflex A1, Canon n'hésitait pas à mentionner en toutes lettres "qu'un débutant pouvait s'en servir, comme un violoniste du dimanche pouvait jouer sur un Stradivarius", ajoutant que "si l'on ne maîtrise pas la technique photo, on n'utilisera pas le Canon A1 au maximum de ses possibilités". Le constructeur qualifiait en guise d'ultime message son appareil de "fabuleux complice quand l'œil a du talent". Encore une possibilité d'analogie avec l'auto d'hier. Le fait de pouvoir acquérir un véhicule de très grandes performances suppose que son acquéreur soit aussi compétent en matière de conduite extrême. Enfin, comme pour tout équipement ancien, donc non neuf, quelques petites complications peuvent toujours survenir, de la panne à la fourniture de consommables, tous disponibles, mais pas forcément au bureau de tabac sur la grand place d'une sympathique sous-préfecture.
- Côté pro – La tenue d'une offre d'appareils argentiques anciens est une bonne ficelle pour un établissement qui souhaite récupérer un peu de l'activité perdue dans la double migration vers le numérique et les structures d'un commerce lui aussi sous influence numérique. Cette dernière n'est cependant pas qu'un handicap. Montrer une offre d'anciens sur le Web permet d'en étendre la perceptibilité du quartier à tout le territoire, voire au-delà. Cette concrétisation d'une ouverture sur des produits anciens a par ailleurs deux vertus. L'établissement et celui qui l'anime (ceux qui…) acquièrent un profil de très bon connaisseur de l'univers photo, d'où l'impératif de la connaître très réellement sur le bout des pixels, car la clientèle risque elle aussi de ne ressembler en rien à une population profane. En outre, ce contexte est propice au traitement d'une clientèle professionnelle.
Il reste à mettre en évidence une facette inévitable, la dualité entre une pratique amateur éclairée strictement photo, et les facettes forcément spéculatives de la collection. Dans cette vision, pour amateurs comme établissements spécialistes, des connaissances fondamentales et un suivi de l'actualité (ventes aux enchères…) sont des impératifs absolus. On n'a rien sans rien.