L'annonce quasi officielle de la fin du monospace ex-Matra-Renault concrétise une page qui se tourne non seulement pour un modèle, mais aussi pour une réelle catégorie de véhicules.
- KELEREPUS, 14 janvier 2020. On ne les voit plus beaucoup. Garées dans de mornes ambiances de parkings ou circulant sans gloire dans un trafic où le SUV règne en maître transitoire, les exemplaires de ce véhicule original semblent se préparer à un trépas sans retour. Semblent seulement. Car l'auto, qui est aussi la vie, a des ressorts que la raison ignore.
Il y aura bientôt une quarantaine d'années, surgissait un "concept" dont, peut-être, l'origine est un peu plus floue que ce qui est raconté dans certaines histoires (lire ou relire ici). Peu importe, hérité d'une tendance américaine visant à rendre plus compacts et moins gourmands les classiques Vans, sont nés les "mini vans", chez les trois constructeurs du pays de l'Oncle Tom. Dont Chrysler, qui avait dévoilé celui qui, en Europe, sera commercialisé sous le nom de "Voyager". A cette époque, une sorte de tourbillon animait le prolongement de la pittoresque aventure de Simca, rachetée par Chrysler quelques années plus tôt, puis passée dans le giron de PSA avec l'épisode laborieux de la brève renaissance de Talbot. Ce cousinage un peu tortueux avait laissé passer par-dessus l'océan une idée ayant atterri chez Matra (comprenez dans cette farandole Simca Matra Chrysler etc...), et qui a fini par éclore chez… Renault, Sochaux ne se sentant pas inspiré par ce projet.
C'est ainsi qu'est né l'Espace, premier sur notre sol de ce nouveau genre vite intitulé "monospace". A la phase dubitative des professionnels et industriels incrédules, a suivi un renversement totale d'appréciation. Recueillant un incontestable succès, le monospace est devenu un élément quasi indispensable dans l'offre de toute marque. Cette auto vaste idéale pour la famille s'est installée dans presque tous les catalogues, chassant en (bonne) partie la berline de sa rente de situation.
La première génération est assez "carrée", travail des matériaux oblige. C'est aussi la plus pure, la plus authentique, comme souvent dans les familles d'automobiles. Ce sera à coup sûr le "collector" le plus intéressant en tant qu'ancienne. La seconde génération (photo en haut) était plus galbée, plus onctueuse aussi pour les passagers. Née lors que l'époque chère au home-cinéma, au DVD, au LaserDisc, une version de la génération 3 sera surbaptisée "Grand Ecran". On le dit et on le répète, la mode...! L'Espace 4 a abandonné la résine. Renault a repris la fabrication pour un véhicule qui a, semble-t-il, posé pas mal de problèmes de fiabilité à certains propriétaires. L'actuelle version n'a plus grand chose d'un monospace. Sorte de gros et grand break se voulant chic, il aura pour mérite d'effacer les regrets chez les adeptes du concept qui se désolaient de le voir sur le chemin de la retraite.
Nous s'en sommes plus là, quatre décennies plus tard. Le SUV a pris le relais, grâce davantage à son volume qu'à ses supposées aptitudes au franchissement, grâce aussi à la mode, dont il serait stupide de ne pas reconnaître la force. Le monospace n'est plus dans le coup, et l'Espace, son patriarche, est proche de la sortie de scène. Renault l'a confirmé voici quelques semaines. Mais cette forme d'auto n'en a pas terminé avec son histoire, puisque de cet abandon programmé, elle se trouve propulsée dans l'Histoire (de l'automobile). Avec un petit détail qui ressemble à un pied de nez à tous ceux qui ne voient la nouveauté que par la technologie (terme d'un vocabulaire un peu "qui se la pète" pour superlativer le mot "technique"). Car l'Espace n'était qu'un condensé de techniques déjà connues et éprouvée (même l'usage des résines) logé dans une architecture suffisant pour changer tout dans l'usage du véhicule par chaque utilisateur. En quittant la vie active, ce modèle est entré dans une phase bien plus éternelle, celle de la conservation.