Voilà une vérité si souvent rabâchée qu'on finirait par y croire. La réalité est très différente. Retour sur une trop belle excuse…
- KELEREPUS. 07 septembre 2019. Qu'il soit question de la SM Citroën, des Peugeot 604, Renault 30, ou plus élitistes et éphémères comme la Monica, l'évocation de leur disparition prématurée fait sans cesse référence à cette responsabilité supposée de la crise du pétrole amorcée en 1973-1974. Certes, le coup de froid provoqué par cette tension extrême sur l'or noir, la première d'une ère moderne, n'a rien arrangé. Elle a même probablement contribué à précipiter vers le gouffre des initiatives encore trop chancelantes. Mais dans d'autres pays européens, pas moins durement touchés par la crise que l'Hexagone, les conséquences du séisme énergétique n'ont pas empêché des développements spectaculaires. Certains constructeurs ont bel et bien bâti à cette même époque des succès internationaux considérables. Ceux d'outre-Rhin, bien sûr, mais aussi des Suédois bien connus, des Italiens, et même des britanniques.*
La réalité industrielle à la française était différente pour des raisons bien à nous, avec grosses composantes politiques et fiscales (c'est un peu la même chose). Ayant fait de l'industrie automobile à la fois un instrument national à vocation sociale et une vache à lait aux ressources supposées bien plus généreuses que celles de n'importe quelle corne d'abondance, notre pays a dans la foulée oublié le côté productif et économique pouvant devenir très profitable pour tous, Etat, salariés, firmes… Non, il a d'abord fallu que le pouvoir se mêle et s'emmêle dans une gestion purement administrative, là où des concurrents suivaient l'inspiration de managers passionnés pour le couple automobile et industrie. Résultat, des désastres, comme ces Renault (4CV et Dauphine) parties en quantités à la conquête de l'Amérique sans la moindre cohérence dans l'approche d'un marché local sur-dopé à l'auto, pour y rencontrer un logique mais inévitable flop monumental. Un "accident industriel", comme cela se dit de nos jours pour qualifier avec élégance ce que le vocabulaire résume bien mieux par "échec", total en la circonstance. En revanche, aveugles aux évolutions économiques, nos dirigeants ont maintenu l'automobile dans son supposé statut de "produit de luxe", donc taxée comme tel. Une manière de cette éternelle volonté toujours vivace de faire payer les riches.
Le profil des dirigeants a aussi beaucoup pesé dans une approche totalement aberrante du marché. On pense inévitablement aux patrons successifs de la RNUR (Régie Nationale des Usines Renault…!), mais que penser de Jacques Calvet, longtemps patron de PSA (et, avec ses "ouatures", vedette involontaire des Guignols de l'Info de Canal), ex-chef de cabinet de Giscard d'Estaing, (alors Ministre des Finances**), fonction qui, comme chacun le sait, démontre une prédisposition majeure pour friser l'excellence dans l'automobile et son industrie. Lorsque les grands constructeurs nationaux ont tenté de construire du "haut de gamme" (les R30, 604 ou éphémère Talbot Tagora n'étant d'ailleurs que des concurrentes à un milieu de gamme allemand, mais bien en deçà des Mercedes classe S ou des Jaguar XJ), il fut clair qu'ils n'avaient ni les repères nécessaires pour arriver à leurs fins en termes de fiabilité et de finition, notamment, sans oublier des détails, comme ces 604 qui étaient garanties 6 mois ou 10.000 kilomètres…
Il est trop tard pour pleurer sur le lait renversé. Tardivement, les constructeurs se sont réveillés et cherchent désormais à recoller au peloton de tête de cette activité, ce qui, compte tenu des bouleversements que celle-ci traverse au niveau planétaire, rend plus commodes de telles ambitions. Osons une simple prière, que Monsieur Bruno Le Maire leur fiche la paix, et si possible (c'est certes beaucoup demander) qu'il leur facilite même la tâche en gommant certaines énormités fiscales toujours d'actualité… Ne serait-ce qu'avec les taxes sur les carburants, qui sont encore dans le champ statutaire de quelques magasins de la place Vendôme...
* La disparition récente de Ferdinand Piëch (qui a durant ces années 70 "fait" Audi) conduit à repenser à ce moment de notre histoire de l'automobile.
** Giscard qui, en 1964, aurait choisi de ne pas prolonger le concordat de FACEL (du vrai haut de gamme) après son désastre lié à la motorisation "bien française" qui lui avait été imposée pour la Facellia.