La plus grande révolution se dissimulait involontairement derrière un chemin de fer que la quête de grande vitesse mettait sous tension…!
- KELEREPUS, février 2019. Comme le savent la plupart des amateurs de chemin de fer, passionnés occasionnels ou ferrovipathes tombés dans une chronicité aiguë (et sympathique), le passage à l'électricité des chemins de fer en France remonte à 1900 pile et quasi poil (car avant les inaugurations et mises en service, les périodes de préparation font aussi partie de l'Histoire). Avec les E1 à E16 (locomotives surnommées "boîtes à sel" à cause de leur forme) mises en fonction au début du 20ème siècle sur la ligne d'Orsay, l'électrification du réseau national a pris son temps. Le courant continu, initialement en 600/700 volts puis devenant 1500 volts, s'est doucement développé (sur le Paris-Orléans et au-delà, ainsi que PLM). Mais une étape bien plus décisive a été franchie avec l'avènement de l'alternatif. Après les réseaux de Savoie – Haute Savoie* et surtout ceux du nord et de l'est du pays, régions minières et industrielles, les années 50 ont vu se concrétiser la première électrification en ce que l'on appelait alors le "25.000 volts à fréquence industrielle" (50 Hertz) sur la ligne Paris-Lille. Inaugurée en 1959, cette phase événementielle a vu, par son côté "électrique" dominant, presque relégué au second plan un double bond en avant bien plus révélateur d'un avenir encore du domaine de la science-fiction.
La télévision est en effet présente et fait du direct entre Paris et Creil pour cette première. Première partie du bond évoqué, et préfiguration de ce que font aujourd'hui dans le monde entier les chaînes TV d'information en continu. Ce reportage en temps réel peut paraître bien banal aujourd'hui, mais s'il faut éviter de parler d'exploit (la télévision française n'était jamais avare de ses auto-célébrations à cette époque, où bien d'autres TV en faisaient autant dans le monde**), l'exercice était bel et bien "culotté", ne serait-ce que par le poids et l'encombrement des appareils de prise de vues, ainsi que par la maîtrise fort délicate des transmissions hertziennes en fréquences élevées.
Qui plus est, une liaison de radiotéléphonie dans ce train inaugural a permis aux personnes qui y sont conviées, et en particulier l'équipe de la télévision nationale (il n'y en a pas d'autre) de communiquer avec "le sol". Observée avec 60 ans de recul, il est clair que le passage à une tension d'alimentation différente*** est un fait presque anodin, comparé à ce qu'annonçait l'aventure de l'électronique qui n'en était encore qu'à ses balbutiements. Les archives de la SNCF permettent de revoir le film de cette journée historique ICI. Ajoutons un autre point de comparaison. A ce moment, les liaisons les plus rapides, bénéficiant de l'électrification, se concrétisent par un temps de trajet de 2 H 10 minutes (vitesse maximum de 140 km/h), plus que pour Paris – Lyon en TGV.
* Ligne expérimentale au départ d'Aix-les-Bains vers La-Roche-sur-Foron.
** Aux USA, la TV en couleurs était déjà en service, lancée près de 10 ans avant la France ainsi que l'Allemagne et l'Europe en général.
*** Même s'il avait permis de battre deux fois le record du monde de vitesse sur rail -331 km/h- sur la ligne des Landes en 1955, le 1500 volts continu, en raison des ampérages considérables exigés pour la grande vitesse et des difficultés de captation entre pantographes et caténaires, n'aurait pas permis d'atteindre les vitesses quotidiennement pratiquées par les TGV. Cela même si le continu a permis des circulations à 200 km/h, en particulier sur certaines sections entre Paris et Bordeaux et Paris et Toulouse.