DOSSIER. RÉTROMOBILE 2019 ouvre ses portes et va faire rêver. Loin d'être du domaine du déraisonnable, la pratique de l'auto ancienne est un loisir que de nombreux amateurs pratiqueraient… s'ils osaient… Et pourquoi ne pas oser…?
- KELEREPUS, février 2019 – "Je n'ai pas les moyens", "j'ai pal'temps", "Je n'ai pas la place", "C'est trop compliqué". C'est comme on nous le dit. Au gré des rassemblements, manifestations, salons et autres moments consacrés aux anciennes, les visiteurs et spectateurs qui regardent avec envie les véhicules qui s'exposent ne manquent pas. "Vous en avez une…?", interroge depuis des mois et sans relâche Kelerepus… Non. "Et pourquoi pas…? Pas envie…?"… "Si, mais…" Les réponses les plus fréquentes viennent d'être citées. Alors…? Alors que le salon Rétromobile dévoile son édition 2019, le moment est venu de tordre le coup à des idées particulièrement infondées.
1 – Il faut être riche pour acquérir une ou des automobiles de collection.
Heureusement, non. Il faut seulement être riche pour s'offrir des véhicules d'exception, très recherchés, aux cotes très élevées, parfois même surévalués, notamment par les médias qui ont toujours tendance à raconter ce qui est du domaine du rêve extrême plutôt que de la simple et quotidienne réalité. S'il est vrai que des personnalités s'offrent de temps en temps des modèles valant des petites fortunes (voire des grosses), les collectionneurs sont dans leur écrasante majorité des gens "ordinaires", ayant des moyens du même adjectif. Ceci étant posé, il y a souvent derrière le mot collection la notion de passion, ou au minimum d'intérêt intense. Ce qui modifie la manière d'envisager le côté financier, qui n'a rien de comparable avec la gestion d'un véhicule normal "de tous les jours". Au bout du compte (et des comptes), il n'est pas nécessaire d'être plus riche pour pratiquer les anciennes que pour pratiquer un sport, faire de la photographie, ou être modéliste ferroviaire.
2 – Une automobile de collection est un placement financier.
Non, mais… Il faut cependant et impérativement sortir de l'esprit cette idée d'une spéculation possible dans ce domaine. Collectionner une ou plusieurs automobiles est un loisir, et chacun sait que les loisirs coûtent toujours plus qu'ils ne rapportent. Pour un objectif visant à optimiser un capital, voyez plutôt du côté des placements financiers (les vrais, pas ceux, souvent piteux, du catalogue de votre banque de quartier). Cependant, il y a ce "mais". Si une ancienne ne vient pas en concurrence avec les meilleures valorisations boursières, elle vit aussi financièrement d'une manière diamétralement opposée à une automobile d'aujourd'hui, qui perd de la valeur d'une manière ininterrompue, aussi lancinante et démoralisante que le goutte à goutte d'un robinet qui fuit. Cloc, cloc, cloc… En gros, les anciennes ne perdent pas ou très peu de valeur, et en général, se revalorisent même plutôt sous l'effet de deux influences. La première est celle du coût de la vie. Qui n'a pas observé que les saucisses coûtent plus cher aujourd'hui qu'en l'an 2000…? La seconde est liée à l'attrait de certains véhicules qui, longtemps dans l'indifférence, se mettent un jour à titiller les envies des amateurs plus que précédemment. En revanche, et en compulsant les cotes de nos archives (pas loin d'un demi-siècle), il est extrêmement rare que des modèles évoluent dans le sens d'une dévalorisation, doucement délaissés par les collectionneurs. Mais cela arrive.
3 – Utiliser une ancienne coûte cher…
Faux, sauf… Une ancienne coûte même bien moins cher qu'une actuelle, ne serait-ce que par l'assurance et sa perte de valeur faible ou nulle. Non seulement une telle auto ne "coûte" pas réellement cher, mais cela peut même, en cas d'utilisation fréquente, devenir économiquement une excellente idée. Pour la valeur d'une modeste citadine, il est possible de trouver des anciennes de milieu ou haut de gamme, à bord desquelles aller tous les jours au travail passe de la corvée au moment récréatif. Certes, il y a de l'entretien, à ne jamais négliger, mais pas forcément plus que sur une actuelle, et surtout, un entretien débarrassé de ces impératifs d'interventions dans les réseaux supposés maintenir les garanties.
Sauf…? Oui, bien sûr, sauf si vous alliez au travail en vélo ou en transport en commun (donc peu de déplacements en véhicule moderne) et/ou que la présence de l'ancienne dans la sphère du foyer suscite davantage d'envies d'excursions qu'avant son adoption. Mais il faut alors parler de budget balades, petits tours ou autres excursions… L'appétit vient en mangeant...
4 – Il faut redouter la panne, forcément compliquée à réparer, faute de pièces, de compétences.
Globalement faux. Voilà peut-être ce qui arrivera dans quelques décennies, quand les automobiles d'aujourd'hui deviendront des "collectors", et que la refabrication des puces électroniques dont elles sont de plus en plus truffées sera un défi d'une dimension sans équivalence avec celle consistant à trouver n'importe quelle pièce de mécanique ou de tôlerie, voire en plastique. Nous n'en sommes pas là. Tout ce qui est collectionnable (et a donc au moins 20 ans, voire 30 et au-delà) ne présente presque aucune difficulté pour un remplacement devenu nécessaire. Bien entretenu, un véhicule de 25 ou 35 ans n'a aucune raison de se voir affecté de plus de pannes qu'un véhicule actuel. Il reste que la recherche d'une pièce à remplacer peut nécessiter un peu d'énergie et de mobilisation. Entre commerçants et garages spécialisés, clubs et petites annonces, les possibilités de trouver sans peine ce qu'il faut dominent largement. En outre, mettre quelques pièces de côté pour remplacement éventuel n'est pas stupide. Et en cas de revente, ces éléments ne feront que valoriser un "package". En revanche, pour ce qui concerne les anciennes réellement anciennes, celles des années 30, des années folles, ou encore au-delà, on change de registre.
5 – Les constructeurs automobiles ne s'intéressent nullement aux vieux véhicules.
Faux. Ça, c'était avant. Car nombreuses sont les marques qui ont enfin réalisé que leurs anciens modèles circulant dans les rues et sur les routes servent largement leur image par le côté "référence" et "valeur sûre" puisée au plus profond du passé. Coccinelle, 2CV, Traction, DS, voilà qui installe des réputations, transforme les notoriétés en légendes. Et quitte à les voir rouler, autant que cela se fasse dans des conditions les plus "rutilantes" possibles. Dès lors, pourquoi ne pas venir en aide à ceux qui veulent une ou des anciennes parfaites…? Ainsi, chez les constructeurs d'outre-Rhin, des services ont été mis en place, notamment avec VW Classic. Mercedes aussi participe à cette activité, qui peut aller de la simple fourniture de pièces d'origine et "constructeur", accessibles via le réseau, aux restaurations les plus totales et garanties "d'origine". Un petit effort du côté des marques de chez nous serait dans ce sens le bienvenu. A noter que pour les pneumatiques, Michelin a développé toute une stratégie dédiées aux véhicules anciens. Bravo...!
6 – L'usage d'une ancienne au quotidien n'est pas réellement possible.
Justement, si. Et n'hésitons pas à l'affirmer bien fort, il est largement conseillé, même si ce quotidien conserve une connotation un peu occasionnelle. A la différence des piles "Vondaires", une ancienne s'use surtout quand on ne s'en sert pas. C'est presque comme pour un gentil toutou, la moindre balade lui fera toujours plaisir. C'est en tout cas bien préférable à ces innombrables autos anciennes qui ne sortent de leur garage presque que pour se rendre au contrôle technique. Ah, oui, au fait, ces contrôles…?
7 – Les contrôles techniques nouvelle mouture sont des épreuves infranchissables.
Faux, et quand même vrai. La "problématique" est complexe. Pas pour vous ou nous, collectionneurs. Mais en hauts lieux, c'est plus compliqué. Alors que la tendance est de chasser les véhicules les moins jeunes, pour cause de supposée pollution, cette manie se heurte de plein fouet à l'autre tendance qui prône le durable… Faudrait savoir…? En outre, il y a une facette patrimoniale à ne pas négliger. Une vieille Peugeot (ça marche aussi avec les autres marques) est-elle un tacot à jeter à la ferraille ou un élément de mémoire vivante de notre industrie à surtout préserver…? Les nouvelles contraintes pour les contrôles en service depuis juillet 2018 ont fait monter la barre à franchir pour être "reçu" à l'examen. (Ensuite, et comme chacun le sait, nous sommes dans un feuilleton aux dimensions bien plus larges, et qui est loin de se terminer.) Pour les soucis de corrosion, ou tout ce qui touche à la sécurité, même pour les anciennes, ce n'est peut-être pas plus mal. Pour les gouttes d'huile qui perlent de-ci de-là, le défi est tout autre. Combien de belles britanniques rutilantes se révèlent incapables de maîtriser ces petites incontinences huileuses qui, sans l'intelligence de contrôleurs les conduisant à ne pas les remarquer, finiraient stupidement dans les cimetières… En gros, pas de panique, et n'oublions pas qu'avec un certificat d'immatriculation (aussi surnommé "carte grise") de collection, le contrôle ne s'opère que tous les 5 ans. Toutefois, et dans le climat d'autophobie qui nous entoure, n'hésitons pas à rester ferme sur nos positions.
8 – Une carte grise de collection limite l'usage des anciennes.
Voilà encore une idée fixe totalement fausse. Ce fut le cas dans le passé, où seuls les départements limitrophes de celui de l'immatriculation étaient accessibles. Désormais, ce document permet d'aller où l'on veut et quand on le veut dans l'Hexagone. Il reste qu'un certificat "normal", avec contrôle tous les deux ans, n'est pas une contrainte si importante que certains le soulignent. Certes, il a un coût, mais la visite tous les 24 mois peut aussi permettre de détecter des défauts qu'il vaut mieux corriger au plus vite. Et avec une carte "normale", aucun déplacement, même à l'étranger, ne présente le moindre obstacle. (A noter que les tarifs d'assurances dits de collection sont le plus souvent accessibles pour des véhicules d'au moins 20 ans, quels que soit leur document administratif. La carte grise de collection n'étant attribuable qu'au-delà de 30 ans d'âge).
9 – A l'achat, déjà toute restaurée, c'est beaucoup mieux.
Répondre catégoriquement non est excessif. Cependant, pour une acquisition, un véhicule resplendissant supposé restauré de fond en comble n'est pas toujours sans quelques inconvénients. En effet, les opérations effectuées peuvent dissimuler des points d'ombre ou des solutions peu indiquées, alors qu'une auto "dans son jus" avoue sans les dissimuler ses qualités, ses rides et ses défauts. Refaite "comme neuve" est en réalité une page qui se tourne sur l'historique du véhicule. Un bel album de photos durant la restauration, document qui rassure, peut adroitement faire l'impasse sur des détails essentiels (tôles réparées au "syntho" au lieu d'un remplacement par du vrai métal, points de corrosion peu visibles, état réel du moteur, etc.) Toutefois, une restauration dans les règles de l'art, allant jusqu'à ce fameux "état concours", notion toute relative, n'est pas à fuir systématiquement, tous les "restaurateurs" n'étant pas, heureusement, des voyous.
10 – Les réparateurs d'anciennes sont tous compétents.
Hélas non…! C'est sans doute l'un des écueils les plus importants de la collection. Ce qui ne veut pas dire que ce métier n'est fait que d'intervenants peu honnêtes et n'y connaissant rien. Mais il y a malgré tout lieu de bien regarder où l'on met les pieds, en cas de besoin. La meilleure des parades est de bien écouter le bouche à oreille qui circule entre collectionneurs, ne serait-ce que dans les rendez-vous réguliers (les fameux "rencards", dans le genre "tous les premiers dimanches matin sur le parking de tel endroit"), ou mieux encore, dans les clubs. Lieux où, qui plus est, les expériences des uns et des autres peuvent se révéler très utiles, tout comme, par ailleurs, des accès à des pièces de rechange, et même des sorties organisées. Partager des loisirs, voire des passions, ce n'est pas idiot. On n'est pas des sauvages…!
Voici la 11ème de nos 10 idées fausses, mais celle-ci est vraie. Il reste le problème de la place. Où la garer…? C'est la vraie bonne question. Car une ancienne doit avoir son petit nid, confortable, impérativement bien sec, individuel (le parking de l'immeuble, même en sous-sol, surtout pas) permettant de tourner autour correctement (le vulgaire box n'est pas idéal), que l'on peut éclairer, où l'on peut recharger une batterie… Et d'où il est facile de sortir à tout moment. Ne serait-ce que pour aller chercher le pain. L'auto à 436 km dans la maison de campagne non chauffée quand on n'y est pas est rarement une bonne solution. Et il est conseillé de miser (remiser...?) dans un lieu malgré tout assez bien sécurisé. Les petites populaires sont assez peu convoitées (encore que...), les belles et somptueuses berlines ou les cabriolets grand sport étant nettement plus recherchés par des réseaux plus ou moins mafieux (plutôt "plus") qui revendent les véhicules volés loin, dans des pays où les retrouver et les récupérer restera définitivement mission impossible. Y.D.