Si collectionner est un comportement éternel, le demi-siècle passé a bénéficié d'une situation exceptionnellement favorable. Qu'en restera-t-il dans un futur proche ?
Nombreux sont les loisirs qui, liés à une composante technique plus ou moins importante, s'appuient sur la pratique de la collection. En la matière, depuis les années 50-60, une phase totalement hors normes s'est développée et de nombreuses répercussions ont animé et animent encore l'univers des passions, que celles-ci se manifestent pour des automobiles d'époque, des trains, miniatures ou réels, des appareils de prise de vue d'hier, etc. Ces passions et les circuits économiques qui en vivent sont pourtant, peut-être, pour ne pas dire probablement, appelées à perdre de cette vigueur tombée du ciel (et des maternités).
En effet, il y a collection et collection. Dans des propositions difficiles à déterminer, les collections concernent des thèmes on ne peut plus divers, liés à des périodes particulières, à des individus artistes ou virtuoses, à des techniques, des modes, des écoles (au sens large), etc.
Mais il existe aussi des collections et des passions qu'une certaine nostalgie fédère. Le baby-boom a ainsi mis sur notre territoire (entre autres) des quantités de bambins dans une période où se sont développés de nombreux fils conducteurs que l'on a retrouvés dans des comportements et des attitudes, un bon demi-siècle plus tard. Les automobiles des années 50-60, les chemins de fer de la même époque, et beaucoup d'autres composantes ont pris leur essor dans cette époque effervescente. Enfance et adolescence + progrès : comment ne pas faire naître des rêves indélébiles.? Un effet de dopage très puissant s'est ainsi concrétisé à travers ces souvenirs d'une jeunesse plongée dans une phase de développement économique sans précédent. Nostalgie et explosion des biens d'équipement se confondent dans la motivation profonde de nombreux amateurs pour "collectionner" parfois une seule auto ("mais c'était la voiture de mon père"), s'occuper d'un réseau de train miniature (quand toute publicité pour un pantalon en Tergal ou un rasoir électrique se concevait à travers la vision d'un cadre se déplaçant en TEE), etc. Elle est interminable, la liste des objets qui ont ainsi laissé dans de nombreux esprits le parfum de vacances d'enfants ou d'adolescents. Les 2D2, les Dyna Panhard, les électrophones Teppaz et les microsillons de Sylvie Vartan ou de Richard Anthony (qui inondent désormais les étals des brocantes et vide-greniers), les modulateurs de lumière de Tec'Sound (la fameuse lumière psychédélique), etc.
D'où la question. Tout cela est-il durable ? Pas si sûr. Certes, tout ne disparaîtra pas, et ce qui subsistera sera sans doute plus solide en termes de collection. Mais le baby-boom en est au stade du papy-boom. Déjà, le train miniature a largement subi un sérieux reflux. Si en une quinzaine d'années, les rangs des spécialistes en modélisme ferroviaire ont fondu comme neige au soleil, ce n'est ni par incompétence ni faute de déployer une énergie suffisante (du moins pas seulement), mais bien parce que les rangs des clients potentiels ont eux-mêmes trop fondu pour que les activités de ces spécialistes leur permettent encore de survivre tous. Et comme dans un effet de dominos, les industriels qui les servaient ont aussi connu des replis d'activité entraînant les reprises, les regroupements et même les disparitions que les pros de ce secteur connaissent. Dans l'automobile d'époque, des évolutions comparables s'observent de-ci de-delà.
Alors, tout est fini ? Bien sûr que non. Mais une autre époque s'établit. Indice à ne pas négliger : dans une conjoncture où de nombreux salons majeurs en tous genres connaissent de sérieuses difficultés, le salon Rétromobile 2017 se range dans la catégorie de ceux qui ont vu le nombre de leurs visiteurs s'accroître (alors que le Mondial de l'Automobile a subi une érosion sur ce plan, laquelle incite l'organisateur à prévoir des réaménagements majeurs pour son édition 2018). Il en va de même pour le "High End Munich" (+10%), événement d'outre Rhin consacré au son haute fidélité ou désormais "Hi-res" et à la vidéo du même esprit. Le Festival Son & Image français, bon vieux vinyle en bandoulière, connaît des heures très animées. Et alors que les ventes d'appareils photo numériques s'effondraient lourdement en 2015 et 2016 (sous la concurrence féroce des smartphones), le Salon de la Photo de Paris (automne 2016) a conservé l'une des meilleures fréquentations de la planète, dans ce domaine. Les indices positifs sont nombreux. Rien n'est perdu.
L'heure est cependant venue de savoir construire des offres adaptées aux attentes (recensées ou non) d'amateurs d'une nouvelle génération. Voici revenir la nécessité de ce qui s'appelle "le marketing de l'offre", une méthode de professionnel qui ne s'invente pas. Sans doute moins volumineuse, mais aussi moins éphémère, plus solidement ancrée dans ses passions. Il faut pour tous ces segments d'activité travailler sur des axes plus nombreux, avec des concepts classiques et d'autres inédits, tenant compte des temps libres, de la place disponible, des thèmes de motivation, des budgets, des exemples développés dans d'autres domaines. Et ne pas négliger les loisirs en concurrence plus ou moins directe En clair, l'heure est venue d'élargir les périmètres d'activité et donc de clientèles. Il est également indispensable de ne pas se limiter à alimenter les (précieux) médias spécialisés, qui régalent les amateurs mais auxquels les profanes ne comprennent souvent pas grand chose. Le classique apte à être collectionné doit aussi savoir se placer en marge de l'univers brocante et même vide-grenier dans lequel il tombe trop souvent, avec tous les risques de confusion possibles. Le tout avec pour objectif de recruter de nouveaux adeptes. N'attendons pas qu'il soit trop tard.