Une fois encore, l'administration nous a fait son numéro, en supprimant celui de nos plus illustres routes. Minable !
Outre-Atlantique, il y a la Route 66. La nôtre s'appelle Nationale 7. Ou plutôt s'appelait-elle, jusqu'à ce que l'Etat décide d'en confier l'entretien aux administrations locales. Et de ce fait, ces dernières se sont empressées de "dénuméroter" les nationales pour leur coller des matricules commençant par la lettre "d", comme "département". Un véritable fait du prince et une excellente démonstration de ce que l'administration n'en a strictement "rien à faire" du peuple. Au service duquel elle est pourtant supposée être, et non l'inverse.
Revenons à l'origine des temps routiers. La numérotation de nos voies de circulation, initiées sous Napoléon, n'a jamais été conçue pour savoir qui devait les entretenir, mais pour que les usagers s'y retrouvent. Cette Nationale 7 chantée par Charles Trenet permettait de se déplacer de la capitale jusqu'au rivages de la Côte d'Azur en se contentant de suivre panneaux et bornes. Impossible aujourd'hui car on se perd vite dans les D207, 217 etc. Comme si, depuis que les très onéreuses autoroutes existent, tout était fait pour qu'elles apparaissent comme les seules voies de déplacement désormais dignes d'être empruntées pour autre chose que de se rendre au marché du samedi matin.
Bien sûr, il y a la 7, mais aussi tous les autres numéros dont, pour ceux qui, rares, ne s'en étaient pas aperçus, l'organisation forme un maillage logique du pays, façon menu déroulant, dans le sens des aiguilles d'une montre. La 1 qui va à Lille, la 4 vers l'Est, la 6*, parfois confondue avec la 7, mais qui vise Grenoble et non la Provence, la 20 vers l'Aquitaine, la 23 pour le pays nantais (dont certains se souviennent des historiques bouchons de Nogent-le-Rotrou)..., chacun avait la sienne. Bien plus qu'une simple référence cartographique, le numéro de chaque nationale était partie intégrante d'une culture géographique et même d'une culture tout court, un authentique élément de patrimoine.
Une question dès lors s'impose : à quoi ça sert ? Quelle peut bien être l'utilité de cette dénumérotation ? Qu'on ne vienne pas expliquer que c'est pour savoir où se trouvent les limites d'un entretien à assurer. Cette manœuvre dépasse les bornes et il serait bon de lui imposer une machine arrière, au minimum en plaçant des "ex-RN7" ou autres numéros à côté des nouvelles dénominations, si les fonctionnaires départementaux persistent dans leur sentiment d'être perdus. D'autant plus que, la suppression des départements étant de temps à autres de retour sur le tapis, cela éviterait une nouvelle dépense pour des plaques de signalisation en cas de nouveau découpage.
*La RN6 et la RN7 doivent leur cousinage au fait qu'elles relient dans leur première moitié (à la louche) la capitale à Lyon. La 6 offre au voyageur la traversée de l'Yonne puis du Morvan et de la Bourgogne avant d'en terminer dans les monts du Beaujolais et du Maconnais. La 7 opte pour le Nivernais (administrativement et inexactement associé à la Bourgogne que, justement, elle évite), le Bourbonnais, puis les monts du Charolais. A Nevers, sur le pont qui franchit la Loire (notre photo ci-dessus), cette nationale a donné à des millions de vacanciers à travers les ans la sympathique sensation d'entrer dans la moitié sud de l'Hexagone, plongeon vers le soleil et véritable début des vacances.