Le train miniature aurait sans doute aujourd'hui de très nombreux adeptes, à condition que les professionnels sachent les conquérir.
- KELEREPUS, 28 février 2017. Dans son édito paru il y a un an dans l'excellent mensuel Rail Passion, numéro d'avril 2016, Philippe Hérrisé* faisait part de sa déception, compréhensible et partagée, du traitement bien décevant du modélisme ferroviaire lors du salon du jouet 2016 de Nuremberg. Voilà qui n'est pas sans nous rappeler une étude que nous** avions réalisée en 2000, et dans laquelle nous pressentions l'évolution à laquelle nous assistons aujourd'hui. Comment ne pas avoir une pensée particulièrement nostalgique quand reviennent à la mémoire les halls féeriques consacrés aux petits trains dans les années 70 ? N'ayons pas peur des souvenirs lointains, dans un temps que les moins de… pas mal d'années déjà, ne peuvent pas connaître. Pourquoi remonter si loin ?
Parce que le train miniature est né sous forme de jouet, et pas n'importe lequel : celui des bambins du baby-boom. Pour les enfants, jouer consiste depuis la nuit des temps à reproduire le monde qui les entoure et qu'ils découvrent. Si les premiers modèles réduits ferroviaires ont été créés bien avant le début des "30 glorieuses", mille et un facteurs se sont conjugués pour leur donner un élan quasi explosif dès le cœur des années 50. Parmi ces facteurs, figure en priorité l'arrivée de cohortes de gamins atteignant l'âge de 8-10 ans ; le second facteur tient à la place du train et des déplacements dans la vie quotidienne, tout comme… la banalisation du moulage en grandes séries d'objets en matières plastiques. Des commerçants intéressés, passionnés ou plus simplement opportunistes, ont foncé sur le sujet. Le train électrique est devenu pendant des années le jouet de son époque, son distributeur l'acteur heureux d'une activité tournant comme une horloge. D'autres vagues porteuses ont de la même manière et à d'autres époques généré des créations importantes de magasins spécialisés (haute-fidélité, vidéoclubs, micro-boutiques, etc.). Si aujourd'hui le salon de Nuremberg fait pâle figure, c'est parce qu'il reflète une évolution observée depuis longtemps, qui a conduit au jet de l'éponge de nombreux fabricants (même si des marques, reprises, subsistent cahin-caha).
Pour le modélisme ferroviaire comme pour toute autre univers, l'activité ne trouve pas sa dynamique au niveau le plus élevé, celui des industriels, mais là où le contact s'établit avec le modéliste, l'utilisateur, donc le client. Force est de constater que la distribution, après avoir surfé sur cette vague d'il y a presque un demi-siècle, n'a pas su aller à la recherche de nouvelles clientèles, les motiver sur de nouvelles propositions. Avec le temps, le train miniature est passé du jouet au modélisme, autrement dit d'un usage éphémère à un loisir durable, capable de se transformer en passion chez certains individus.
Les fabricants n'ont plus assez de points de vente capables d'absorber des volumes suffisants de produits, et donc plus assez de ressources pour équilibrer des productions, et donc prendre place dans des salons devenus trop onéreux au regard du volant d'affaires généré. "Plus assez" est l'expression qui rythme cette spirale négative qui fait que le public, et dans son sein un nombre d'amateurs potentiels, ne voit plus assez, voire plus du tout, de trains miniatures sur leurs trajets usuels. Pas vu, pas vendu, c'est bien connu.
Cette vision rapide à l'excès ne doit pas être interprétée d'une manière erronée. Le train, ses créateurs, son univers, ne sont pas seuls en cause dans ce phénomène qui frappe beaucoup d'autres lignes de produits dans les loisirs techniques. C'est un immense thème de préoccupation, dans lequel l'activité de commerce spécialisé tient un rôle déterminant.
* Philippe Hérissé, Président du Comité éditorial du mensuel Rail Passion.
** "Nous", autrement dit "Retail Détail", marque (déposée) qui fédère ce que nous publions depuis deux décennies (donc ce site-blog Kélérépus) et un certain nombre de magazines, lettres et autres sites axés sur les univers de loisirs et leur distribution, objets de notre attention et de nos publications depuis 1979.