Volkswagen a triché, en truquant son logiciel pour se jouer des contrôles sur la pollution. C'est pas bien ! Et cette grosse affaire pourrait bien marquer le début d'une période au cours de laquelle les médias, ceux qui se targuent de leur statut d'investigateurs et tous ceux qui les suivent, souvent par de simples copiés-collés, vont se mettre à fouiller dans tous les coins et recoins de notre société, pour y déceler la triche !
Et d'ailleurs, cela n'a pas traîné. Samsung est montré du doigt pour une triche supposée dans les mesures de consommation de certains de ses téléviseurs, ce que l'industriel conteste avec force. Face à ce genre de révélations (qui sont très loin d'être toujours justifiées), l'une des réactions du public, blasé, est d'en déduire que peut-être, les autres en font autant. Il a d'ailleurs de bonnes raisons de penser cela, puisque les confirmations viennent souvent conforter cette conviction. Dans le sport, la triche, c'est le dopage. Les coureurs cyclistes ont payé un lourd tribu à cette quête de l'irrégularité bien cachée. Milieu sportif certainement moins puissant que la Formule 1 ou le football, les instances en charge de la petite reine n'ont sans doute pas eu les moyens de dire avec assez de persuasion un "allez voir là-bas si j'y suis" aux fouilleurs de tout poil. Les uns après les autres, les champions vedettes, de Richard Virenque à Lance Armstrong ont payé le prix fort, alors que doucement, au fil des années et alors que les langues se délient, chacun s'aperçoit que la triche, si elle n'était pas le fait de tous les membres du peloton, est tout de même quasi collective, sans doute jusque dans la nuit des temps.
Jérôme Cahuzac, ministre brillant, avait aussi triché. Même question : était-il le seul, un des seuls, un parmi tant d'autres ou à l'image d'une part colossale du monde politique ? Il ne nous appartient pas de répondre. Mais dans cet univers comme dans celui des administrations, des cas de petites astuces avec le droit chemin ont de temps en temps surgi à la une des journaux. Les milliers de contribuables (qui ne sont pas tous du monde politique ou de l'administration) qui ont récemment avoué avoir placé des fonds dans des comptes en Suisse ou au Luxembourg (par exemple) en espérant un pardon low-cost démontrent que la triche sur les revenus est un phénomène d'ampleur. Mais n'est-il pas aussi la résultante d'excès manifestes, comme des niveaux de prélèvements exagérés ? Dans ce sens, la triche prend des proportions colossales avec les innombrables femmes de ménages, jardiniers et bricoleurs qui travaillent sans déclaration aucune chez des particuliers ?
Et ne serait-ce pas une forme de triche, dont nous vous laissons le choix dans les adjectifs pour la qualifier, que cette cohorte d'intervenants auprès du Ministère de la Justice, travaillant totalement "hors des clous" ? Une méthode pas plus élégante que celle consistant à mettre de la viande de cheval dans des pizzas industrielles. La frontière entre la triche avérée et la "non-triche" est d'ailleurs assez floue. Installer son patrimoine immobilier en Belgique, là où il ne fondra pas doucement sous les effets d'un ISF expropriateur ou d'impôts locaux stratosphérique, est "légal" (un synonyme de "non-triche"), mais le vendre et placer l'argent sur un compte étranger sans le dire est prohibé. Une loupe est nécessaire pour trouver où passe le trait microscopique séparant les deux manœuvres.
Il faut noter que la triche, dans bien des circonstances, fait passer le non-tricheur pour le "couillon de service". Dans ce sens, des millions de ménages entrent peut-être dans cette catégorie sans en avoir pris conscience. Ainsi, nombreux sont ceux qui reçoivent des factures de leur fournisseur d'électricité présentant une consommation estimée dépassant le consommation réelle. Triche ? Pas tout à fait, mais en lisant bien les petites lignes, chaque consommateur remarque que s'il ne règle pas à une date précise, il lui sera appliqué une pénalité. Pénalisé pour ne pas verser au fournisseur de l'argent qu'il ne… doit pas. Si Bernard Tapie osait une telle triche, qui dit qu'il ne se retrouverait pas vite fait mis en examen pour escroquerie en bande organisée ?
Bref, notre monde triche à tours de bras depuis qu'il existe et ce n'est pas l'affaire VW qui changera cette réalité. Mais la triche révélée entraîne le doute, à l'égard de tous les autres. Nous l'avons nous-mêmes évoqué, en nous interrogeant sur le caractère isolé du cas Cahuzac. Pour revenir dans le domaine de la pollution, qu'en est-il des mesures effectuées par Airparif, un organisme qui seul mesure et publie des relevés sur les particules et autres polluants ? Dans une agglomération de 12 millions d'habitants, ne serait-il pas normal de charger de ces mesures au moins deux ou trois organismes, laboratoires, analystes, enfin deux ou trois entités différentes, concurrentes et indépendantes. Avec une municipalité très influencée par ses élus écologistes, peut-on totalement exclure de leur part le souci de privilégier ce qui serait écologiquement inquiétant ?
(Photo : Kelerepus)