Les collectionneurs d'automobiles anciennes sont-ils menacés, comme le tigre du Bengale ou le panda géant, par la diminution de la biodiversité…?
- KELEREPUS, octobre 2018 – Voilà une question sérieuse, car elle concerne ce qui est, en dépit de ses aspects loisirs et en marge de la vie quotidienne, les bases d'un réel noyau d'activité économique. Sur la photo ci-dessus, prise au cours d'un récent rendez-vous annuel en province, le profil des visiteurs est révélateur. Où est donc la jeunesse...? La question, traduite d'une manière plus directe, revient à s'inquiéter à propos de la durabilité et de l'ampleur du phénomène de collection articulé sur l'automobile. La collection d'automobile va-t-elle comme on l'espère se faire transgénérationnelle...? Des réparateurs, des spécialistes de la restauration, des fabricants et fournisseurs de pièces de rechange, des carrossiers, des selliers, des électriciens, des fabricants de pneumatiques, des assureurs, etc., on ne compte pas les professionnels qui, à temps complet ou plus occasionnellement, gagnent leur vie grâce à l'intérêt, parfois la passion, que des individus éprouvent pour des automobiles du passé. Même chez les constructeurs, l'intérêt d'apporter un "coup de pouce" aux amateurs de belles anciennes est ressenti.
Une période privilégiée a toutefois stimulé vigoureusement cette activité. Elle s'est établie au confluent de deux axes, d'une part la puissante vague démographique du baby-boom, et d'autre part la très intense progression de l'automobile dans la vie quotidienne au cours des 30 (et même un peu plus) glorieuses. Rappelons qu'il a fallu attendre la fin des années 50 (du siècle passé) pour que le taux de 30% de ménages motorisés soit atteint. La voiture pour tous et les bambins nés après-guerre ont vécu simultanément une période propice à la construction de souvenirs de jeunesse impérissables. Une vingtaine d'années plus tard, (et au cours des millésimes qui suivent), les bambins sont devenus adultes. Leurs souvenirs foisonnant, les faire rejaillir est devenu une tendance.
Certains optimisent leurs appétits pour le train électrique, quand d'autres rêvent de 4CV, de 203, de Traction, voire de Jaguar ou de Porsche. Ce n'est pas par hasard que Rétromobile a vu le jour au cours des années 70,dans l'ancienne gare de la Bastille.
Le temps a passé. Les baby-boomers sont aujourd'hui devenus des papy-boomers. Retraités, avec plus de temps, mais aussi quelques rhumatismes. S'ils manifestent toujours un intérêt pour les anciennes, qu'ils consomment avec plus de calme, rien ne démontre que les générations suivantes obéissent au même scénario. Ce qui peut se comprendre. Arrivés dans un monde où l'auto (et le multi-équipement) est devenu omniprésente et banale, et même accusée de bien des maux, celle-ci n'a plus le pouvoir de fascination que le vent conquérant lui donnait il y a trois ou quatre décennies.
A bien les observer, quelques repères sont de nature à nourrir notre interrogation. Repères contradictoires, qui plus est. Si la fréquentation des événements (salons, rassemblements…) tient bon, et mieux même que les salons consacrés à des thèmes très actuels, sur le long terme, les magazines spécialisés offrent des pages de petites annonces moins nombreuses. Certains organisateurs de ces événements locaux ont eu l'occasion de confirmer ce sentiment d'une certaine érosion. Ainsi, "il y a des passionnés de longue date qui n'ont plus l'énergie, la force, ou pire, qui disparaissent, c'est la vie" constate avec dépit l'un d'entre eux.
Mais même dans des bourrasques et intempéries peu engageantes, des masses d'amateurs viennent cependant rêver devant des véhicules qui, moins perfectionnés que ceux d'aujourd'hui, conservent un charme inégalé. Une certitude toutefois, si la collection venait à perdre un peu de son périmètre, sa disparition est totalement exclue, et même, certains passionnés ne voient pas d'un si mauvais œil un avenir moins exubérant, mais plus solide et mieux structuré. Reste qu'il est important que son environnement économique (presse, fournitures, services...) ne perde pas trop de ses dimensions qui en assurent la vie.